- InformationRio+20 offre l''opportunité de produire de nouvelles propositions pour concevoir et organiser la transition vers des sociétés durables. Cette rubrique tentera de les regrouper systématiquement au fur et à mesure de l''avancée du processus.
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01 octobre 2012
Les Communs et la gouvernance mondiale. Vers un nouveau contrat social mondial
Détails de la proposition
ContexteÉgalement disponible en English, Español
Entrer dans les « communs »
La grande révolution en cours (la première et unique révolution mondiale de l’histoire d’ailleurs) est en train de transformer, en profondeur, le mode de fonctionnement autour duquel l’humanité s’est organisée. Aujourd’hui, l’état ne dispose plus des moyens d’assurer la soutenabilité de l’humanité, ni d’éviter que lui- même, d’autres états ou des acteurs privés nuisent de façon irrémédiable à notre trésor le plus précieux : notre planète. Cette impuissance soudaine de l’acteur le plus puissant sur la scène mondiale, a été provoquée par l’arrivée intempestive de la mondialisation, qui a dépassé les acteurs traditionnels de la politique internationale à une vitesse exorbitante, et réécrit les règles du jeu économique. Ce faisant, elle a également créé le besoin de concevoir et de défendre ce que l’on pourrait appeler l’intérêt mondial, qui doit inévitablement être placé au-dessus des « intérêts nationaux » individuels, dépassés et inefficaces, qui, depuis des siècles, conduisent les affaires internationales.
Ce tout nouvel intérêt mondial se démarque des intérêts nationaux non seulement par sa portée, mais également dans ses postulats (il ne s’agit pas d’ajouter des intérêts). Les intérêts nationaux sont fondés, de manière intrinsèque, aussi bien sur la course aux ressources que sur la course au pouvoir, ce qui équivaut à une forme de darwinisme politique dans laquelle « les plus aptes » dominent et profitent des plus faibles. Dans ce schéma, les « Autres » sont ceux qui constituent ou non un frein aux propres intérêts nationaux. C’est le juriste allemand Carl Schmitt qui, au milieu du XXe siècle lança le débat sur ce point fondamental, en affirmant qu’une société se définit en opposition aux autres. En conséquence, la politique se définit à travers la dichotomie amie/ennemi, en incorporant avec l’état la forme historiquement la plus complète de la politique. Mais, selon Schmitt, l’état est une construction transitoire de la politique, et lorsqu’il n’a plus le monopole de déterminer qui est l’ennemi et qui est l’ami, il périt. Autrement dit, ceci signifierait que les effets potentiels (et à long terme) de la mondialisation seraient l’anéantissement de la notion même d’ami/ennemi, et par la même occasion de la politique, et enfin en dernière instance, de l’état lui-même. Cependant, les mécanismes historiques ne sont ni linéaires ni ne peuvent être définis à l’avance.
L’intuition et la doctrine de Schmitt se révèlent d’autant plus intéressantes avec les changements survenus ces dernières années, alors que la notion traditionnelle d’ami/ennemi est devenue de plus en plus compliquée, avec la priorité croissante de l’interdépendance mondiale et surtout avec l’émergence d’une conscience mondiale à propos de la vulnérabilité de notre planète et le besoin de faire face à une menace existentielle, de la seule manière possible : de manière collective. Cependant, il est nécessaire d’éviter toute vision illusoire de cette interdépendance mondiale, étant donné qu’un des traits caractéristiques de la période historique ouverte depuis la fin de 20ème siècle, est la mutation de la dichotomie classique ami/ennemi, qui est en train de changer de nature. La nouvelle conscience mondiale du destin commun de l’humanité n’est pas seulement accompagnée de nouvelles confrontations sociales, politiques, culturelles qui maintiennent en vigueur les défis de construire un monde en paix. En outre, les risques et les dégâts écologiques ont atteint des niveaux tels, que le destin même de l’humanité est en jeu.
C’est à travers cette brusque perception de notre vulnérabilité et de notre diversité que le concept de « biens communs » puis simplement de « communs » est né ces dernières années. Bien que dégradés par les effets dévastateurs des politiques et pratiques néolibérales, les « communs » apparaissent de plus en plus comme le référent pour tout ce qui concerne la politique, avec de profondes ramifications allant jusqu’à la racine même de la philosophie politique. Autrement dit, cette idée nous incite davantage à nous demander, de manière collective, quel type de société -mondiale- nous voulons. David Bollier affirme que « en tant que système de gouvernance, les communs apportent des valeurs essentielles qui font défaut à l’état néolibéral et au système de marché :
- la capacité à fixer et à faire respecter des limites soutenables sur les marchés ;
- la capacité à internaliser les « externalités » que produisent les marchés ; et
- la capacité à déclarer que certaines ressources sont inaliénables (autrement dit, interdites aux marchés). »
Ainsi, en suggérant que certaines ressources peuvent être considérées comme porteuses de droits inaliénables, ce que dit Bollier de manière substantielle, c’est que les « communs » nous permettent d’imaginer un autre paradigme pour l’action politique, des actions menées de l’échelle micro-politique vers l’échelle politique mondiale. Il s’agit d’un argument puissant, car jusqu’à maintenant, la théorie politique est soit dans la pratique, confinée à des entités politiques fermées, à des villes-état, des royaumes, des républiques ou des empires, soit restreinte en théorie, à des états mondiaux autoritaires imposés d’en haut, comme la monarchie de Dante ou le Léviathan de Hobbes. Si un système de gouvernance mondiale basé sur les « communs » était potentiellement réalisable, cela équivaudrait à une avancée révolutionnaire dans l’histoire de l’humanité, puisqu’il serait le premier exemple d’un système mondial de gouvernance construit d’en bas.
Léo Strauss, théoricien politique du XXe siècle, a défini l’action politique simplement comme une question de conservation et/ou de changement. « Lorsqu’on parle de conservation », dit-il, « il s’agit d’’éviter des situations funestes. Lorsqu’on parle de changement, il s’agit de remplacer par quelque chose de mieux. ». L’objet de notre étude nous conduit précisément entre ces deux concepts : prendre soin de notre Terre-mère, protéger l’environnement et son intégrité d’un côté, et de l’autre, changer nos modes de gouvernance pour nousassurer une liberté collective d’accès aux « communs ». Le fil conducteur de ce document est basé sur le principe que les « communs » peuvent constituer le concept central qui pourrait changer notre horizon social et politique en nous incitant à développer de nouveaux modèles de gouvernance mondiale. Nous commencerons par étudier la façon dont les règles du jeu ont radicalement changé dans les dernières décennies. Ensuite, rétrospectivement, nous aborderons des sujets fondamentaux qui sont à la racine même de la philosophie et de l’action politiques. Puis, nous étudierons l’idée d’un contrat social mondial pour terminer par une discussion sur le concept même des « communs » et sur la façon dont il nous permettrait de tracer une voie sur laquelle mettre en pratique ces idées et en faire une réalité.
Propositions et résumés
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