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La contribution de l’économie sociale et solidaire à l’heure de Rio+20 La contribution de l’économie sociale et solidaire à l’heure de Rio+20
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Contexte

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La planète n’y arrivera pas si on ne change pas de modèle!

La contribution de l’économie sociale et solidaire à l’heure de Rio+20 : Une réponse aux challenges posés par la crise

Document d’orientation des Rencontres du Mont-Blanc

 

Introduction

Le Forum International des Dirigeants de l’Economie Sociale, intitulé Les Rencontres du Mont-Blanc, franchit en cette fin 2011 deux étapes importantes :

1. Le renforcement de son association qui doit, plus encore qu’avant, s’élargir à des décideurs de l’Economie Sociale de tous les continents, toutes les activités, toutes les familles coopératives, mutualistes, associatives et des fondations.

2. Parallèlement, l’élaboration et la mise en discussion du présent document d’orientation dont la version finale sera adressée à tous les Chefs d’Etat qui participeront au sommet de Rio 2012 sur le développement durable. Avec cette volonté de démontrer que l’Economie Sociale est une réponse aux crises mondiales de caractère autres : social, alimentaire, environnemental et climatique, comme économique et financier. Plus encore, qu’elle constitue un modèle innovant de développement soutenable et intégratif donc durable. Un modèle qui déjà «réussit» sur le terrain, d’un bout à l’autre du globe.

 

Les valeurs et champs d’intervention de l’Economie Sociale sont : une gouvernance démocratique, une propriété à la fois privée et collective, le social et la solidarité au cœur des projets, le respect de l’environnement. Elles sont autant de «règles», de «références» conduisant à une économie et, au-delà, à une mondialisation plus humaines.

Le présent document a été élaboré par un Comité Scientifique (cf. liste des membres ci-dessous) puis soumis à d’autres chercheurs et universitaires et analysé, complété par les dirigeants de l’Economie Sociale membres du Conseil d’Administration de l’Association des RMB. Les tables rondes, ateliers du Forum des 9 et 12 novembre 2011 se tenant à Chamonix, vont permettre de l’enrichir. De nombreux projets et réalisations concrètes vont l’illustrer.

 

Adopté lors du forum, il fera ensuite l’objet d’une diffusion internationale afin de contribuer à positionner l’Economie Sociale comme un acteur majeur et incontournable de la nécessaire mutation de la mondialisation donc d’un développement raisonné et maîtrise respectueux des personnes et territoires.

 

Rédaction du document d’orientation des RMB 2011 – Comité Scientifique :

Auteurs : Louis Favreau (Université du Québec en Outaouais), Mario Hébert (Fondaction), Gérard Boismenu (Université de Montréal), Jane Jenson (Université de Montréal) et Jacques Weber (CIRAD).

Membres consultés : Alain D’Iribarne (Maison des Sciences de l’Homme), Ed Mayo (Cooperatives UK), Ignacy Sachs (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), Assane Diop (ILO), Charlotte Hess (Syracuse University), Emilio de la Rovere (Federal University of Rio de Janeiro), Tulio Garcia (AQ’AB’AL’), Abdou Salam Fall (Fundamental Institute of Black Africa), Yasy Morales (Cokomal), Frédéric Sultan (Association Vecam), Jean Fabre (Consultant international), Hanada Manasori (Kumagaku University), Denison Jayasooria (Université de Malaisie).

Avec la contribution de : Isabel Tremblay-Dion et Marie-Claire Major (Université de Montréal), Claire Jeantet (Etudiante), Anne-Marie Wioland (RMB) et Hélène Croce (Euresa).

 

 

Propositions et résumés

SOMMAIRE

Avant-propos - Pour une économie au service de la société

I. S’interroger sur la nature de la crise : ce qui a changé ces trente dernières années

  • A) La crise actuelle et son modèle de développement : une grande crise, ni accidentelle, ni temporaire mais systémique
    • 1. Les crises se télescopent : chronique d’un désastre annoncé
    • 2. Ce qui a changé la donne depuis 20 ans et qui affecte directement Rio +20
    • 3. La toile de fond des inégalités et de la fracture Nord-Sud
    • 4. La crise alimentaire se conjugue aux autres crises
    • 5. La planétarisation de la crise écologique
    • 6. Sur quelles forces sociales compter?
    • 7. Si c’est le développement, quel développement?
    • 8. Les objectifs du millénaire pour le développement: l’ouverture à une redistribution de la richesse ?

 

  • B) La notion de développement durable et son intégration dans les institutions et les organisations internationales

 

II. L’économie sociale et solidaire, une force de proposition et d’interpellation

  • A) Le parcours de l’économie sociale dans le monde, au Nord et au Sud : une première approche dans une perspective internationale
    • 1. Économie populaire, sociale et solidaire au Sud
    • 2. L’économie informelle et l’économie populaire : des distinctions majeures
    • 3. L’économie populaire : un creuset de l’économie sociale et solidaire
    • 4. Des entreprises collectives actrices d’un autre développement
    • 5. Le premier développement : un chaînon manquant
    • 6. L’agriculture, l’épargne et le crédit, la forêt et la santé : les défis de base
    • 7. L’économie sociale au Nord
    • 8. L’histoire de l’économie sociale
    • 9. L’ESS aujourd’hui : ses innovations, son impact sur les territoires, son ouverture aux enjeux de défense des écosystèmes.
    • 10. L’ESS : dépasser le modèle économique dominant

 

  • B) De quelques raisons de vouloir réinventer l’économie
    • 1. Sortir du «fondamentalisme de marché»
    • 2. Sortir de la privatisation de biens sociaux communs
    • 3. Chercher par tous les moyens à sortir de cette crise globale

 

  • C) Une perspective : aller vers un new deal social, écologique et démocratique planétaire

 

III. Des pistes de sortie de crise ou comment dépasser le modèle économique dominant

  • 1. Démocratiser l’économie
  • 2. Repenser la solidarité et renouveler l’État social
  • 3. Se mettre radicalement au vert
  • 4. Construire un mouvement citoyen international
  • 5. Intensifier la solidarité internationale Nord-Sud au bénéfice des territoires

 

 

Cinq chantiers et 20 propositions pour changer de modèle à l’heure de RIO+20

  • Chantier n°1 : Démocratiser l’économie et favoriser sa territorialisation
  • Chantier n°2 : Promouvoir un mode de gouvernance partagée
  • Chantier n°3 : Offrir de nouveaux choix sociaux
  • Chantier n°4 : Mieux nourrir la planète et redéployer l’environnement
  • Chantier n°5 : Réorienter la mondialisation pour l’humaniser
  • Pour mettre en œuvre ces chantiers et réaliser ces propositions : faire mouvement par une action politique fédérative

 

Avant-propos - Pour une économie au service de la société

Comment réinventer l’économie, au Nord comme au Sud, et l’orienter vers un type de société qui entend respecter les équilibres écologiques et, en même temps, être porteuse de justice économique et sociale ?

C’est la question centrale de ce document de travail à la veille de Rio 2012 : comment développer une économie plus démocratique, plus écologique et plus solidaire. Le document discute cette proposition en mettant de l’avant la contribution de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Les initiatives de l’ESS, dans toutes ses familles d’entreprises et d’organisations collectives, que ce soit les coopératives, les mutuelles, associations ou fondations, se distinguent par plusieurs aspects tant au plan économique que social. Elles développent des structures de production solidaires : leur propriété est privée mais collective plutôt que fondée sur l’actionnariat, dont on connaît, en cas de cotation, la volatilité.

Elles sont constituées de différentes organisations fédératives de représentation politique travaillant à faire mouvement (principe de l’intercoopération). Elles s’inscrivent dans l’économie de nos sociétés avec leur identité propre (concilier viabilité économique et justice sociale). Elles transforment de l’intérieur l’économie dominante du fait même qu’elles cohabitent activement avec les entreprises du secteur privé, qu’elles concurrencent au besoin, ainsi qu’avec celles du secteur public qu’elles côtoient. Elles forgent des alliances durables ou temporaires avec d’autres acteurs économiques et sociaux dans une perspective de développement économique et social soutenable. C’est ce qui permet de penser que l’ESS peut être très activement partie prenante à une stratégie de dépassement du modèle actuel de développement.

 

Depuis 20 ans, le paysage économique, écologique et social s’est profondément transformé sous le coup de grandes transitions économiques, politiques, sociales et environnementales planétaires, se traduisant par un durcissement du système capitaliste, au détriment des salariés et de l’environnement. Des réponses à ces transitions ont alors surgi : nous avons assisté à l’explosion d’initiatives économiques alternatives un peu partout dans le monde; à la transformation des grandes organisations nées ou reconstituées dans l’après-guerre (mouvements syndicaux, mouvements des agriculteurs, mouvements coopératifs); à l’émergence de nouveaux réseaux ou de nouvelles organisations (ONG, mouvements de la consommation responsable, commerce équitable, réseaux de développement local, réseaux de finance solidaire et communautaire…). À cela s’ajoute la montée de l’internationalisation de l’action collective à travers l’expérience des Forums sociaux mondiaux et d’autres formes d’organisation qui sont encore à la recherche d’une représentation politique citoyenne transnationale répondant mieux aux nouveaux défis.

 

Les Rencontres du Mont-Blanc (RMB), en tant que Forum international de dirigeants de l’économie sociale participent depuis 2004 de cette démarche générale de constituer de nouvelles voies de solutions planétaires. Dans ce nouveau contexte, il est devenu essentiel de penser que l’ESS d’aujourd’hui est mieux outillée pour participer au renouvellement et à la transformation des orientations et des stratégies de développement aux différentes échelles (nationale, continentale, internationale).

D’abord, de plus en plus d’organisations, de mouvements et d’institutions reconnaissent que la crise de 2008, prolongée par celle de 2011, et la montée en force du capitalisme boursier et financier qui l’a provoquée, font en sorte qu’il n’est presque plus possible de concilier un tant soit peu - comme dans la période des 30 glorieuses par exemple – l’économie dominante et un minimum d’équité. Il est également de plus en plus clair que l’on ne peut concilier cette économie dominante avec la survie de la planète, compte tenu des exigences de rentabilité financière et des modèles de production « à sens unique ». Des dirigeants d’organisations coopératives et mutualistes, comme ceux de l’Alliance coopérative internationale (ACI), des dirigeants de plusieurs réseaux sectoriels comme le Réseau européen des coopératives de travail, des dirigeants d’organisations syndicales nationales et internationales, des experts de nombreuses institutions internationales (PNUE, PNUD, FAO, OMS, OIT, UNESCO…), des entrepreneurs et des acteurs sociaux (syndicats, associations citoyennes), sans compter un nombre impressionnant de chercheurs en sciences économiques et sociales d’horizons très divers (universités, instituts de recherche indépendants…) soulignent tous à leur manière les limites et les aspects pernicieux de l’actuel modèle de développement. Ils se questionnent tous sur la transformation d’ensemble du modèle dominant de développement et non plus seulement sur l’un ou l’autre de ses aspects, prônant les vertus d’une pluralité constitutive des activités économiques et sociales.

 

C’est Felice Scalvini de l’Alliance coopérative internationale (ACI) qui résume bien une des dimensions importantes de la question : il faut «revenir au développement d'une pluralité de formes entrepreneuriales car la prévalence d'une forme unique d'entreprise assèche les sources dont elle tirait sa propre subsistance, de la même manière que les monocultures épuisent les sols sur lesquels elles poussaient» (Québec, 2010). Il ressort généralement de ces écrits et témoignages, notamment de ceux qui sont issus de la réflexion économique de la mouvance de l’ESS, quatre idées maîtresses :

  • 1) Il faut se défaire de la pensée économique qui mise exclusivement sur une croissance économique et financière sans s’occuper de développement humain et sur la seule initiative privée pour réguler la société. Il en découle la nécessité d’investir dans la démocratisation et la socialisation de l’économie. Il faut déjà rééquilibrer les rapports de pouvoirs entre apporteurs de travail, de capitaux et aussi les utilisations de biens et services. C’est le premier axe d’un projet de société convoqué par l’ESS, lequel mise d’une part sur l’intervention énergique des États et des institutions internationales pour de nouvelles régulations et, d’autre part, sur un vigoureux pôle économique d’entreprises sous contrôle démocratique permettant de se défaire de la pression (ou de la dictature) des actionnaires, de la spéculation financière et des paradis fiscaux. De ce fait, la question sociale est au cœur d’une démarche économique efficace.
  • 2) Il faut renforcer la maîtrise collective et internationale des modèles de développement, afin de lutter contre le réchauffement de la planète et contrer l’affaiblissement de sa biodiversité. C’est un autre grand axe de transformation. En d’autres termes, il y a devoir de répondre à l’urgence écologique.
  • 3) Il ne faut pas laisser se privatiser des ressources considérées d’intérêt commun comme les secteurs sociaux stratégiques de la santé, de l’éducation ou de la culture, de même que les ressources que sont la terre, l’eau, les sources d’énergie, les forêts, et les ressources immatérielles que sont la connaissance, Internet, les cultures, etc. Ce qui constitue un 3 e grand axe, celui du renouvellement de l’État, de ses politiques économiques, sociales et environnementales et celui de l’économie sociale et solidaire qui propose de gérer démocratiquement des biens communs sans volonté de dégager des «superprofits».
  • 4) Il faut accentuer la solidarité internationale à tous les niveaux, tout particulièrement enmatière de coopération Nord-Sud, dans un contexte d’interdépendance accrue où les urgences les plus fortes ne trouvent une réponse déterminante qu’à l’échelle territoriale et locale, appuyée par des soutiens régionaux.

 

On peut retenir les leçons suivantes de ces travaux et témoignages :

  • la recherche de nouveaux modèles de développement ou d’alternatives globales semble assez généralisée dans le monde;
  • la prise de conscience en faveur d’une véritable défense des écosystèmes de la planète;
  • la prise de conscience de la plus forte dimension internationale des pistes de sortie de crise.

 

Mais en même temps, aucune organisation ne peut prétendre, à l’heure actuelle, avoir une réponse globale satisfaisante. La plupart des acteurs engagés dans les défis actuels de la planète conviennent du caractère inédit de la situation globale, mais aussi de la phase exploratoire de la recherche d’alternatives globales.

Rares sont les pistes qui font aujourd’hui l’unanimité. Rio 2012 arrive à point nommé avec ses objectifs d’une économie sociale autant que verte dans le contexte d’une lutte à mener pour éradiquer la pauvreté.

Avec sa longue trajectoire historique marquée de réussites convaincantes, en dépit de certains déboires ainsi que sa présence dans toutes les économies de la planète, l’ESS va encore plus loin et a des choses à dire sur le triple registre d’intervention qui est le sien : a) une logique entrepreneuriale plus efficace combinant l’économique, le social et l’environnemental et pas seulement l’un des trois (de ce fait, la finance revient à son rôle de support); b) en tant que mouvement, une logique de représentation «politique» de ce type d’entreprises (du local à l’international); c) une logique d’intercoopération Nord-Sud. C’est ce que nous entendons démontrer dans le présent document 1.

 

 

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