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Projet de Charte des responsabilités universelles Projet de Charte des responsabilités universelles

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La Charte de l’ONU et la Déclaration universelle des droits de l’homme sont les deux piliers éthiques et politiques de la communauté internationale. Ils ont permis depuis soixante ans la création d’institutions et de règles internationales humanisant la vie internationale. Ils sont aujourd’hui insuffisants pour gérer nos interdépendances et sauvegarder l’intégrité de la planète, dont notre avenir dépend.

 

La nécessité d’un « troisième pilier éthique de la communauté internationale », aux côtés de la Charte de l’ONU et de la Déclaration universelle des droits de l’homme est reconnue depuis quarante ans. Il y a eu déjà de multiples tentatives dans ce sens. Aucune n’a véritablement abouti. Un long travail inter-culturel et inter-religieux a montré que les notions de responsabilité et de co-responsabilité étaient au coeur de l’éthique et du droit du 21ème siècle, et donc la base de ce troisième pilier. Ces expériences révèlent la difficulté de l’exercice mais permettent aussi d’avoir une vision d’ensemble des difficultés à surmonter. Le travail d’élaboration et de mise en débat de la Charte des responsabilités universelles se nourrit de toutes ces expériences.

 

Les défis sont de deux ordres:  les critères auxquelles doit satisfaire un texte d’éthique « universelle »; la manière d’aboutir à son introduction dans le débat international puis à l’adoption par la communauté internationale. C’est le fruit de quinze ans de travail. Rio+20 arrive à point nommé dans ce processus et l’initiative du gouvernement brésilien est de ce fait décisive.

 

1. Les critères du troisième pilier

 

a) Un texte d’éthique universelle doit être enraciné dans la conscience des sociétés. L’éthique ne se décrète pas. C’est le résultat d’une longue histoire. Les simples gens doivent reconnaître la légitimité d’un texte parce qu’il trouve un écho dans leur coeur et dans leur vie.

 

b) Un texte d’éthique doit avoir une portée universelle, en s’appliquant à différentes échelles, de la vie individuelle à la gouvernance mondiale, des enfants aux Etats ou aux entreprises multinationales, et en s’appliquant à tous les domaines de la vie, de l’économie aux relations internationales, de la science à l’environnement. C’est pourquoi des textes trop ciblés sur un domaine, comme les ébauches de Chartes de la terre élaborées lors du Sommet de la terre de 1992 n’ont pas abouti. Un texte d’éthique universelle doit pouvoir se traduire ensuite en conventions internationales appliquées à des domaines particuliers (de la bio-diversité aux paradis fiscaux) mais il en fournit le socle.

 

c) Un texte d’éthique universelle doit être le fruit d’un dialogue interreligieux et interculturel. Le temps n’est plus où l’action déterminée d’un petit nombre de personnes animé par René Cassin et Eleanor Roosevelt pouvait transformer un concept élaboré en Occident en un principe universel, la Déclaration universelle des droits de l’homme; un principe d’éthique universelle doit trouver un écho dans les différentes cultures, condition d’une part pour qu’il soit adopté par une communauté internationale multipolaire et condition aussi pour qu’il ait une portée pratique.

 

d) Le texte doit énoncer des principes éthiques généraux et non énumérer des préceptes normatifs; c’est le corollaire de sa généralité; confronté à la diversité des situations et des dilemmes éthiques de la vie réelle, où des normes morales entrent en contradiction et où il faut prioriser et choisir, il doit proposer des modes de choix; confronté à la diversité des activités il doit permettre d’élaborer pour chacune d’elles des principes plus précis, voir des codes déontologiques. Mais le principe éthique est le fondement du code, il n’est pas le code lui-même.

 

e) Comme l’indique l’expression « troisième pilier », le texte doit être un socle durable et solide à partir duquel élaborer au fil des décennies un édifice diversifié: des règles de droit international, des conventions internationales appliquées aux domaines les plus variés, des codes de déontologie professionnelle, des programmes d’éducation, des contrats, etc… A l’image des préambules des constitutions, il doit exprimer de façon pérenne les fondements du »vivre ensemble ». Le texte pour être durable doit donc être court et ne pas se référer à des problèmes à résoudre dans l’immédiat mais à des catégories de problèmes rencontrés à différentes époques.

 

f) Les raisons de le présenter maintenant doivent se référer à un changement profond de nos sociétés, à un nouvel état de l’humanité appelé à durer. C’est le cas de l’interdépendance planétaire, de l’impact des sciences et technologies, de la nécessité de rendre compatibles le bien être de tous avec la préservation de l’intégrité de la planète.

 

g) Un texte général n’est pas une vague déclaration d’intention à laquelle tout le monde adhère parce qu’elle n’engage personne. Les principes éthiques doivent faire la preuve qu’ils inspirent dans une multitude de situations concrètes un changement de comportement, que celui-ci résulte d’un souci éthique individuelle – le désir de mettre ses actes en cohérence avec ses convictions -, d’un accord contractuel – comme dans le cas des codes éthiques adoptés par une institution ou une profession-, ou de règles de droit dérivés d’un principe éthique -comme les règles et cours de justice dérivées des droits de l’homme.

 

h) Dans sa transposition en règles de droit, un principe éthique doit pouvoir suivre trois chemins: la transposition dans les droits nationaux; la création d’un droit international doté de ses propres instances et de ses propres mécanismes de sanction; la création d’un bain culturel favorable à l’émergence d’une jurisprudence internationale circulant d’une sphère juridique nationale à une autre.

 

Le processus de travail qui a abouti à un avant projet de Charte des responsabilités universelles a été directement inspiré par l’analyse de ces critères et nous croyons que l’idée de responsabilité, d’une part, et sa traduction dans un projet de texte, de l’autre, sont une réponse satisfaisante à toutes ces exigences. En particulier les dix ans de mise en débat et de traductions concrètes du principe de responsabilité dans différentes cultures et différentes professions ont permis de vérifier un certain nombre de ces spécifications.

 

2. Les conditions d’adoption d’un troisième pilier par la Communauté internationale

 

a) L’adoption d’un texte fondateur par la communauté internationale est le résultat d’un processus. Une étape essentielle du processus est la mise à l’agenda international de l’idée du texte -sa nécessité- et d’un projet de texte -la concrétisation d’une réponse possible à cette nécessité. C’est cette étape qu’il faut franchir à l’occasion de Rio+20.

 

b) La légitimité d’un projet de texte résulte de trois considérations: il est le fruit d’un processus de travail interculturel; il satisfait bien aux spécifications qui viennent d’être énoncée; il est aussi porté par la société et n’est pas seulement le produit d’échanges diplomatiques.

 

c) Le rôle d’un comité formé de hautes personnalités est d’affirmer de façon audible et crédible vis à vis des gouvernants, vis-à-vis de la société et vis-à-vis des relais médiatiques l’absolue nécessité de ce troisième pilier. Sans une conscience partagée de cette nécessité et de cette urgence, le processus de cheminement du texte dans les arcanes de la négociation internationale sera interrompu en chemin. Le comité de hautes personnalités incarne une forme de conscience morale universelle capable de proclamer la nécessité d’aboutir.

 

d) Le rôle du séminaire de juristes internationaux de septembre 2011 est double: manifester le caractère international et interculturel du processus d’élaboration; vérifier que le projet de texte est bien conforme aux spécifications énoncées et en particulier qu’il répond bien à la nécessité de proposer une nouvelle source de droit international en écho à des tentatives d’évolution qui vont déjà dans ce sens.

 

e) Les réflexions éthiques doivent aussi être portées par la société, d’où l’importance du Sommet des peuples précédant le Sommet des chefs d’Etat. Au cours de ce sommet des peuples, les questions éthiques doivent être abordées, ainsi que les impasses actuelles liées à la faiblesse des régulations internationales ou du droit international. Le format et l’agenda de e sommet des peuples font donc partie de la stratégie d’ensemble.

 

f) Un pays qui compte doit prendre l’initiative de mettre la question à l’agenda du Sommet, en étant capable de l’imposer aux diplomaties qui préparent actuellement un sommet sans consistance pour ne menacer aucun intérêt national. Pour une série de raisons, seul le Brésil est en position de prendre cette initiative pour Rio+20.

 

g) Un groupe de pays devra, à l’issue des débats qui auront lieu à Rio+20, prendre l’initiative de mettre l’adoption d’un texte à l’agenda de l’Assemblée générale des Nations Unies. Plusieurs types de groupes peuvent être pressentis.

 

 

Avant-projet de Charte des responsabilités universelles

 

Nous, Représentants des États membres des Nations Unies, réunis à Rio de Janeiro au sommet de la Planète, juin 2012

 

Constatant

 

  • 1- que l’ampleur et l’irréversibilité des interdépendances qui se sont créées entre les êtres humains, entre les sociétés et entre l’humanité et la biosphère constituent une situation radicalement nouvelle dans l’histoire de l’humanité, transformant celle-ci de façon irrévocable en une communauté de destin ;

 

  • 2- que la poursuite indéfinie des modes de vie et de développement actuels, accompagnée d’une tendance à limiter ses propres responsabilités, est incompatible avec l’harmonie entre les sociétés, la préservation de l’intégrité de la planète et la sauvegarde des intérêts des générations futures ;

 

  • 3- que l’ampleur des changements aujourd’hui nécessaires est hors de portée de chacun de nous et implique l’engagement de toutes les personnes et de toutes les institutions publiques ou privées ;

 

  • 4- que les modalités juridiques, politiques et financières de pilotage et de contrôle des institutions publiques et privées, en particulier celles dont l’impact est mondial, ne les incitent pas à assumer pleinement leurs responsabilités, voire les incite à l’irresponsabilité ;

 

  • 5- que la conscience de nos responsabilités partagées vis-à-vis de la planète est une condition de survie et un progrès de l’humanité ;

 

  • 6- que notre co-responsabilité, au delà des intérêts légitimes de nos peuples, est de préserver notre planète unique et fragile, en évitant que des déséquilibres majeurs n’entraînent des catastrophes écologiques et sociales affectant tous les peuples de la terre ;

 

  • 7- que la prise en compte de l’intérêt d’autrui et de la communauté, la réciprocité entre ses membres sont les fondements de la confiance mutuelle, d’un sentiment de sécurité et du respect de la dignité de chacun et de la justice ;

 

  • 8- que la proclamation et la poursuite de droits universels ne suffit pas à régler nos conduites, les droits étant inopérants quand aucune institution n’a la capacité d’en garantir seule les conditions d’application ;

 

  • 9- que ces constats nécessitent l’adoption de principes éthiques communs inspirant nos conduites et nos règles ainsi que celles de nos peuples

 

 

Nous adoptons, au nom de nos peuples, la présente Charte des Responsabilités universelles et nous nous engageons:

 

  • à en faire le fondement de nos comportements et de nos relations ;
  • à la promouvoir auprès de tous les secteurs de la société ;
  • à la prendre en compte et la mettre en pratique dans le droit international et dans les droits nationaux

 

Principes de la responsabilité universelle

 

1. L’exercice par chacun de ses responsabilités est l’expression de sa liberté et de sa dignité de citoyen de la communauté mondiale ;

 

2. Chaque être humain et tous ensemble ont une co-responsabilité à l’égard des autres, de la communauté proche et lointaine, et à l’égard de la planète, en proportion des avoirs, du pouvoir et du savoir de chacun.

 

3. Cette responsabilité implique de prendre en compte les effets immédiats ou différés de ses actes, d’en prévenir ou d’en compenser les dommages, que ceux-ci aient été ou non commis volontairement, qu’ils affectent ou non des sujets de droit. Elle s’applique à tous les domaines de l’activité humaine et à toutes les échelles de temps et d’espace.

 

4. Cette responsabilité est imprescriptible dès lors que le dommage est irréversible.

 

5. La responsabilité des institutions, tant publiques que privées, quelles que soient les règles qui les régissent, n’exonère pas la responsabilité de leurs dirigeants et réciproquement.

 

6. La possession ou la jouissance d’une ressource naturelle induit la responsabilité de la gérer au mieux du bien commun.

 

7. L’exercice d’un pouvoir, nonobstant les règles par lesquelles il est dévolu, n’est légitime que s’il répond de ses actes devant ceux et celles sur lesquels il est exercé et s’il s’accompagne des règles de responsabilité à la hauteur du pouvoir d’influence exercé.

 

8. Nul ne peut s’exonérer de sa responsabilité au nom de son impuissance s’il n’a fait l effort de s’unir à d’autres ou au nom de son ignorance s’il n’a fait l’effort de s’informer.

Acteurs
Régions
Détails de l'initiative
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