Propositions
Pour une régulation mondiale légitime et efficace Pour une régulation mondiale légitime et efficace
Détails de la proposition
Contexte

 

La nouvelle aggravation de la situation économique et sociale dans les pays développés, durant l’été 2011, marque l’entrée dans un second stade de la crise mondiale, qui avait éclaté 4 ans plus tôt. Ce nouveau stade est notamment caractérisé par les attaques spéculatives contre les dettes souveraines.

 

Il conduit d’abord à revenir sur la nature profonde de cette crise, et conduit à admettre l’imprédictibilité de son évolution ; ensuite, il mène à la nécessité de proposer des perspectives de moyen terme, à l’horizon des 5 ou 10 prochaines années1; enfin, il incite à proposer d’expliciter diverses urgences.

 

 

Propositions et résumés

 

Face à la crise de la mondialisation, caractérisée par l’hégémonie et l’accumulation financière, quelle issue ? Celle-ci ne doit pas être le retour à un fractionnement du monde, évidemment lourd des pires conflits. Les drames humains, les urgences écologiques et les risques géo-militaires, nous le rappellent dramatiquement tous les jours : nous n’avons qu’une seule planète, dont nous sommes tous solidairement responsables. C’est pourquoi, l’altermondialisme n’est pas un anti-mondialisme, mais l’actualisation permanente du vieil internationalisme humaniste d’un Jaurès : il en partage les valeurs fondamentales, mais il ne considère ni la nation, ni aucune autre sorte de souveraineté comme pertinente pour réguler l’emboîtage de communautés de vie et de destin, qui forment autant de communautés politiques différenciés, de la planète jusqu’au quartier et au village.

 

Elle ne peut espérer, à un horizon crédible, la mise en place d’un gouvernement planétaire, dont l’utopie humaniste est hors de portée, même si nous ne devons pas cesser de promouvoir l’idéal d’une citoyenneté mondiale. Par contre, à défaut de convaincre toutes les puissances et toutes les consciences de faire « du passé, table rase », on peut espérer (devant les risques d’éclatement de crises en tout genre), peut être plus vite qu’on ne le croit parfois, constituer une large alliance pour proposer une nouvelle régulation mondiale, légitime et efficace. Celle-ci devrait s’appuyer sur la Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des droits de l’homme et les valeurs essentielles de paix, de solidarité internationale, de développement durable et de diversité culturelle, en s’appuyant sur tous les efforts sincères de coopération mondiale et régionale, menés depuis 60 ans. Pour cela, les institutions existantes ne doivent pas être niées dans leur principe, car elles ont vocation à créer les conditions d’une régulation concertée et anti-hégémonique des grands problèmes mondiaux. Mais, elles doivent être aujourd’hui critiquées, sans relâche et sans complaisance, pour leur absence ou leur insuffisance de légitimité et, par là-même d’efficacité, ce qui suppose, moins leur disparition que leur transformation.

 

Il faut donc que le mouvement altermondialiste sache convaincre la conscience universelle, qu’entre régression et utopie, il est possible de définir une autre régulation mondiale, à la fois légitime et efficace, compte tenu de ce que l’efficacité ne pourra résulter que de sa nouvelle légitimité, fondée sur la promotion des droits humains et des libertés. Cette nouvelle régulation ne peut reposer que sur une stratégie de transformation des institutions existantes. Mais, en même temps, elle est toute autre chose qu’une simple addition de réformes ponctuelles, qui seraient l’affaire de technocrates et d’experts internationaux, et elle a besoin, pour réussir, de la participation du plus grand nombre des citoyens du monde, de leurs mouvements sociaux et culturels, de leurs organisations syndicales et de leurs élus légitimes, qu’ils soient nationaux ou locaux. Ce sont, eux tous, qui doivent s’emparer, en toute circonstance désormais, des principes essentiels d’une nouvelle régulation mondiale, légitime et efficace, et de toutes les conséquences qui en découlent.

 

Cette nouvelle régulation pourrait reposer sur 10 principes essentiels, dont découlent autant de conséquences concrètes :

1) Les institutions économiques, financières et commerciales sont subordonnées aux instances politiques légitimes.

Conséquences concrètes : L’intégration des institutions économiques mondiales (FMI, Banque Mondiale, OMC, BRI, OCDE), dans le système des Nations Unies, doit être effective. Ceci signifie le respect de leur Charte, de la Déclaration Universelle ; des procédures de décision conformes (cf. infra) ; la définition de leur rôle et leur contrôle par les instances légitimes (Assemblée Générale et Conseils de Sécurité : cf. infra).

 

2) Ces instances assurent une répartition multilatérale équitable à tous les peuples du monde.

Conséquences concrètes : La création d’un Conseil de Sécurité économique, social, culturel et environnemental (2 ESC, en anglais). Il serait composé de 10 membres renouvelables tous les 10 ans (dont 2 pour l’Afrique, 1 pour l’Amérique du Nord, 1 pour l’Amérique latine, 3 pour l’Asie, 2 pour l’Europe, et 1 pour et l’Océanie), comprenant les pays (ou groupements les plus importants de chaque continent) et de 15 autres membres, élus tous les 2 ans, par l’Assemblée Générale. Chaque membre représenterait un Etat ou un groupe d’états (tel que l’Union Européenne). Ce « 2 ESC » se substituerait aux différents clubs de pays riches du type G7, G8, G20 etc. Le PNUD, la CNUCED, la BRI et l’OCDE lui sont rattachées. En cas de conflits entre les normes édictées par diverses agences spécialisées, le 2 ESC arbitre, après avis de l’assemblée économique, sociale, culturelle et environnementale (cf. infra).

Toutes ses décisions doivent être prises, suivant le principe de double majorité et à l’exclusion de tout droit de veto: elles ne sont validées que si elles sont adoptées par une majorité de ses membres, représentant la majorité des populations des pays membres, ce qui garantit un équilibre entre les pays les plus peuplés et les moins peuplés.

 

3) La société civile et les mouvements sociaux mondiaux doivent être associés de façon permanente à toutes les décisions des instances mondiales Conséquences concrètes : La création d’une Assemblée économique, sociale, culturelle et environnementale, réunissant les représentants des organisations patronales, syndicales, culturelles (représentant les milieux artistiques et scientifiques) et environnementales, ainsi que les ONG humanitaires. Celles-ci devraient être obligatoirement consultées, avant toute décision de l’Assemblée Générale et des Conseils de Sécurité. Elle dispose d’un pouvoir d’initiative, pour demander à l’Assemble Générale et aux conseils de sécurité de délibérer sur toutes les questions qui leur semblent le justifier et des moyens d’études du PNUD, de la CNUCED et de l’OCDE.

 

4) La primauté de l’Assemblée Générale des Nations Unies

Conséquences concrètes : L’Assemblée Générale a seule pouvoir, pour édicter des normes et des recommandations, à son initiative, ou à celle de l’Assemblée économique, sociale et environnementale. Toutes ses décisions sont prises, suivant le principe de double majorité.

 

5) Régulation mondiale et séparation des pouvoirs

Conséquences pratiques : Les conseils de sécurité prennent toutes les décisions d’application, qui découlent des principes de la Charte et des résolutions de l’Assemblée Générale. De son côté, la Cour Pénale Internationale doit disposer d’une compétence universelle et obligatoire, englobant l’ensemble des tribunaux ad hoc, et d’une totale indépendance, à l’égard des autres instances mondiales, comme des états nationaux. Ses jugements sont assortis de sanctions, dont l’exécution relève, suivant les cas, de l’un et/ou l’autre des conseils de sécurité (opérations militaires et/ou sanctions économiques) ou d’une compétence universelle d’application des instances judiciaires de tous les pays membres.

 

6) Légitimité et cohérence de l’ensemble de la régulation mondiale

Conséquences pratiques : Le conseil de sécurité rapproche sa composition et son mode de décision de ceux du « 2 ESC », en vue de leur fusion. Les pouvoirs de sanction appartiennent aux deux conseils de sécurité, dans leur domaine respectif de compétences.

 

7) Le monopole de l’utilisation légitime des forces armées appartient à l’ONU :

Conséquences pratiques : L’ensemble des forces armées, mises à la disposition d’organisations internationales ou mondiales (Otan, casques bleus, etc.) sont regroupées et placées sous la seule responsabilité du conseil de sécurité des Nations Unies.

 

8) Le financement du développement durable est assuré par l’émission de Droits de Tirage Spéciaux (DTS) et de taxes globales.

Conséquences pratiques : Le Fonds Monétaire International, agence spécialisée de l’ONU, applique les normes édictées par l’Assemblée Générale, ainsi que les décisions du « 2 ESC », prises après délibération de l’Assemblée économique, sociale, culturelle et environnementale. En particulier, il offre, par une émission suffisante de DTS, le financement de l’ensemble des projets de développement durable, ainsi que l’annulation de la dette des pays pauvres, en relation avec les banques régionales de développement. Il peut mettre en place une fiscalité sur les mouvements internationaux de capitaux, en particulier sur les plus spéculatifs et les plus déstabilisateurs d’entre eux, ainsi que sur les activités polluantes. Il contribue à une évolution raisonnée des parités monétaires, par une contribution équilibrée des pays excédentaires et déficitaires.

 

9) Les échanges de marchandises (biens et services) sont régulés dans une perspective de développement durable de la planète et de justice pour tous les peuples.

Conséquences pratiques : L’organisation mondiale du commerce est assurée par une agence spécialisée de l’ONU, qui exerce des compétences déléguées, et met en place, en tant que de besoin, des politiques régulatrices, afin que l’élargissement des échanges assure le développement des biens publics mondiaux, la souveraineté alimentaire et sanitaire de tous les pays membres, ainsi que leurs activités émergentes, de même que l’ensemble des missions assurées par les autres agences spécialisées : droit du travail, préservation de l’environnement, etc..

 

10) Stratégie pour un développement planétaire durable

Conséquences pratiques : La préparation des délibérations environnementales, de portée mondiale, est faite conjointement par les deux assemblées générales. Après délibération de l’assemblée économique, sociale, culturelle et environnementale, les normes sont adoptées par l’assemblée générale. Le « 2 ESC » est chargé de leur mise en œuvre, avec l’ensemble des agences spécialisées (FAO, OMS, BIT, UNICED, etc.). Il établit une fiscalité écologique sur les émissions de CO2 et les déchets nucléaires : le produit de celle-ci sert pour une part à indemniser les travailleurs pénalisés par cette fiscalité et pour partie à mettre en place des activités de substitution.

 

 

Annexe 2 : Le Fair Trade, où la lutte contre les « quatre dumpings » :

Un des éléments les plus préoccupants de l’actuelle crise mondiale est la tentative persistante de

l’ensemble des autorités officielles de maintenir le débat sur la mondialisation des échanges à un

niveau purement idéologique, affirmant un libre échangisme, qu’ils pratiquent d’ailleurs

inégalement et de façon sélective (suivant les secteurs et les pays concernés), et rejetant comme

protectionniste toute tentative de redéfinition des règles du commerce international. Cette posture a

des traductions concrètes particulièrement négatives comme la tentative pathétique d’achèvement

du « cycle de Doha » ou, plus largement le refus de toute remise en cause de l’OMC, et son absence

de soumission à la charte des Nations Unies. Cette attitude risque même, les crises sociales se

développant dans un nombre grandissant de pays, de conduire à des replis unilatéraux, lourds de

régressions économiques, mais aussi politiques, géopolitiques et culturelles.

Il est donc grand temps de prendre toute la mesure du mot d’ordre « un autre monde est

nécessaire », dans lequel les échanges de marchandises, biens et services, comme ceux des capitaux,

relèveront non d’une pseudo-liberté, dont tout le monde sait qu’elle est pour une bonne part celle

des tricheurs et peut constater tous les méfaits, mais de rapports loyaux entre l’ensemble des

protagonistes : non pas du free trade, mais du fair trade.

Ce dernier n’est pas un vague slogan de compromis entre les protagonistes historiques des deux

thèses, qui s’opposent depuis plus de deux siècles. Le débat était déjà récurrent au XVIIIème siècle,

à propos du commerce des grains. Sur le plan théorique, il a pris sa pleine ampleur théorique, après

les essais maladroits d’Adam Smith (la théorie des avantages absolus dans la Richesse des Nations,

1776) et de Fichte (la tentation autarcique dans « l’Etat commercial isolé », 1800), avec D. Ricardo,

et sa théorie des avantages comparatifs, et Fr. List, et sa recommandation d’un « protectionnisme

éducateur. La nationalité même des auteurs, respectivement britannique12, appartenant à la

puissance alors hégémonique, et allemands, membres de la nation qui tente alors d’émerger, suffit

de convaincre que toute théorie de l’échange international est essentiellement géopolitique. C’est

pourquoi, tous ceux qui veulent prévenir les conflits entre nations développées et nations

émergentes, sur une base équitable et donc finalement acceptable par tous, ont besoin d’une base

normative qui dépasse l’antagonisme entre le libre échange, qui profite aux premiers, et

protectionnisme, qui pourrait éventuellement bénéficier aux seconds13, lequel antagonisme se

termine toujours par les épreuves de force négatives pour l’humanité (de la guerre mondiale à

l’aggravation de la dépression dans l’entre deux guerres).

L’approche en termes de fair trade remplit justement ses conditions, en ce qu’il résulte de toutes les

expériences concrètes vécues durant ces dernières décennies, à travers le monde, par

d’innombrables acteurs, trop souvent victimes de pratiques déloyales. Le point de départ d’une telle

approche est que l’échange, comme la langue d’Esope, peut être la meilleure ou pire des choses.

Après tout de quoi parle-t-on ? D’échanger des baisers ou des violences ? De la circulation de

médicaments ou de drogues ? D’un commerce équitable ou évidemment inégal ? Librement

consenti ou résultant d’une diplomatie de la canonnière ? Partisans ou adversaires du

développement des échanges devraient donc commencer par abandonner toute attitude fétichiste : à

l’intérieur de chaque société, tous les échanges ne sont pas (heureusement) traités de la même

façon : il en est ainsi de la vente de voitures ne respectant pas certaines normes de sécurité ; il en

sera peut être demain de même, de celles qui peuvent atteindre des vitesses généralement interdites.

Ce relatif pragmatisme dans l’ordre intérieur des Etats est évidemment plus complexe à mette en

12

Même si le premier était écossais et l’autre d’une famille juive portugaise…

Sur le plan économique, on sait depuis les grands travaux de P. Bairoch que les exemples sont à peu près aussi

nombreux que les contre exemples. Sur le plan politique, le souvenir du « socialisme réel » est encore trop présent pour

offrir une perspective attrayante au plus grand nombre…

13

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œuvre dans l’ordre international, où doivent cohabiter des normes issues de convictions et de prises

de conscience différentes. Il semble pourtant que puisse se dégager un consensus :

- pour une majorité de biens et de services, les échanges peuvent être favorables aux deux

parties, non seulement, à ceux qui échangent directement, mais également à l’ensemble de la

collectivité à laquelle ils appartiennent ;

- ce gain collectif n’est cependant partagé que si l’échange s’effectue dans des conditions

« loyales », c'est-à-dire que l’un des co-échangistes ne bénéficie pas d’avantages qui ne

doivent rien à la qualité de sa production, mais à des conditions monétaires, sociales,

fiscales, environnementales, etc., qui ont été manipulées pour lui permettre d’offrir un

meilleur rapport qualité prix que ses concurrents étrangers.

Pour ne s’en tenir ici qu’à l’essentiel, le fil conducteur d’un authentique fair trade repose sur des

échanges sans dumping dans quatre domaines majeurs : les changes, la fiscalité, le social et

l’écologie :

- la forme la plus ample et la plus brutale de dumping relève des variations de change : pendant que

l’on discute de chiffres derrière la virgule dans le domaine de la fiscalité ou des salaires, le cours

des monnaies peut varier de 10% en une semaine, voire du simple au double d’un moment à l’autre

par une décision unilatérale, sans même parler des cas de banqueroute ! A cet égard, il n’est pas

utile de s’encombrer d’un débat de doctrine monétaire sur le meilleur système possible : à

l’expérience, entre un système de change fixe, mais qui admet non seulement des marges de

fluctuations importantes (par exemple plus ou moins 15%, autour de la parité de référence, comme

c’était le cas dans les années 1992-98, à la fin du système monétaire européen), et qui de plus peut

être ajusté, comme le faisait celui de Bretton Woods, d’une part, et, d’autre part, un système de

change flexible, où la coordination des principales banques centrales, et éventuellement d’un FMI

rénové et relégitimé, se chargerait de contrer la spéculation à court terme par des actions

symétriques des pays créditeurs14 et débiteurs, il n’y a guère de différences pratiques15. Dans les

deux cas, les parités varient en fonction des données fondamentales des différentes zones (en

particulier, les différentiels de productivité, comme pour tout prix relatif). A partir du moment, où le

principal créancier et le principal débiteur trouveraient un modus vivendi sur le moyen terme, la

question essentielle de la création nécessaire de liquidités internationales pour financer le

développement durable de toutes les zones mondiales de la planète qui ne se trouvent pas dans l’une

des 4 grandes régions dont la monnaie est encore crédible (dollar, euro, yen, yuan), se règlerait

simplement : il suffirait d’émettre, à due nécessité, des Droits de Tirage Spéciaux (DTS). L’utilité

de ces derniers, depuis longtemps en sommeil, a enfin été réveillée l’an dernier par l’urgence de

faire face aux risques pays et il n’est pas douteux que le besoin s’en fera de plus en plus sentir dans

mois et les années à venir. Cependant leur usage grandissant soulève encore des questions

fondamentales d’objectif… et de rapports de force.

La question n’est pas de remplacer le dollar par une seule autre monnaie (DTS ou autre), hypothèse

absurde par laquelle on a cherché à retarder la réponse à la question posée, mais d‘organiser, dans

un monde multipolaire, la nécessaire complémentarité entre une monnaie mondiale et une

14

Le fait qu’un pays créditeur s’engage à créer de la monnaie, pour l’échanger sur les marchés de devises à un cours

résultant d’un accord international suffit à briser toute spéculation, car il n’est contraint par aucune réserve de change à

la différence du pays débiteur. Il est cependant souhaitable que ce dernier assume une partie du fardeau pour éviter que

se développe en son sein des comportements non coopératifs de passager clandestin

15

En fait, les avantages et inconvénients respectifs dépendent du degré de libre circulation des mouvements de capitaux

que l’on admet. Si on se situe dans une perspective de lutte contre les mouvements spéculatifs à court terme (de type hot

money), sans entraver les investissement directs à l’étranger qui se situent dans une perspective à long terme, un

système de change flexible, avec double intervention symétrique, est sans doute celui qui serait le moins difficile à

mettre en œuvre, à partir des réalités actuelles. C’est, semble t’il la voie suggérée par le rapport Stiglitz 2009 pour l’AG

des Nations Unies.

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multiplicité de monnaies régionales, dont les parités seront à l’abri des spéculations de marché et

des manipulations d’Etats.

La seule question essentielle est celle du pouvoir de décision au FMI (qui doit faire l’objet d’une

révision, pour l’instant tout à fait insatisfaisante, avant la fin 2010) et de l’abandon du monopole de

veto américain, avec 17% des droits de vote, alors que les décisions se prennent à la majorité de

85% ! A nouveau, se trouve soulignée l’importance cruciale des relations bilatérales entre la Chine

et les Etats-Unis : la première n’a aucune raison présente (si elle devait subir une nouvelle crise

financière, il pourrait en aller autrement) d’accepter de céder aux demandes des seconds, si

l’administration et le Congrès américains ne sont pas capables de s’inscrire dans une transition

négociée de l’unilatéralisme au multilatéralisme, qui leur reconnaisse toute leur place actuelle et

future.

De plus, face aux autres sortes de dumping (cf. infra), l’ajustement monétaire est évidemment le

mode le plus indolore de sanction, propre à garantir l’ensemble du fair trade.

- Le dumping fiscal doit être combattu de la façon la plus inflexible qui soit : pas de commerce

avec les trafiquants du moins disant fiscal et les poursuites pénales aussi bien que civiles doivent

également toucher les donneurs d’ordre que les sous-traitants, en vertu du principe général de droit

qui veut que le complice soit puni de la même peine que l’auteur principal d’un délit. A cet égard, la

distinction entre évasion et fraude fiscale doit être abolie, pour les marchandises comme pour les

capitaux ; la traçabilité de toutes les transactions doit être assurée, ce qui est par ailleurs

indispensable pour des raisons sanitaires et écologiques : puisque la transparence est heureusement

à la mode, incluons son principe dans les règles fondamentales d’une nouvelle organisation

mondiale du commerce, placée sous l’égide des Nations Unies et soumise à sa charte.

- Le dumping social constitue sans doute le primum movens de la grande crise en cours : parce que

les comportements d’affectation de leurs revenus sont d’une nature différente entre les bénéficiaires

d’un revenu du capital16 et ceux qui vivent essentiellement de leur travail et jouent, par conséquent,

un rôle essentiel dans l’évolution respective des dépenses d’investissement et de consommation.

Parce que la masse des salaires n’avait cessé de baisser par rapport à la part des profits, les dépenses

de consommation des ménages avaient de plus en de plus mal à absorber tous les flux de

marchandises générées par une masse trop gigantesque d’investissement, même en partie gaspillés :

tous les dépenses « bling bling » des plus riches finissaient par ne plus suffire ! La réponse à cette

contrainte est connue depuis au moins un demi-siècle : c’est celle de la règle d’or, suivant laquelle

les salaires doivent progresser au même rythme que l’augmentation des gains de productivité. Bien

entendu, une telle règle ne s’impose pas spontanément : elle résulte nécessairement d’une

négociation explicite ou implicite, centralisée ou décentralisée, avec ou sans l’état, voire même la

société civile (les tentatives de quadripartisme en Irlande) : à cet égard, l’idée de transposer les

règles d’un pays à l’autre est illusoire et même franchement contre-productive : pour ne donner

qu’un exemple, face à la terrible réalité du travail des enfants, commençons plutôt par obtenir

partout la mise en oeuvre de la scolarité à mi-temps, plutôt que d’interdire toute importation en

provenance des pays qui le pratiquent, au motif, parfois hypocrite, d’imposer nos propres normes :

derrière le fair trade, veillons à ce que les pays qui se veulent les plus « blancs » ne cachent pas trop

de noirs dessins. Or, dans la plupart des pays, le chantage à la mondialisation du patronat et des

gouvernements qui lui sont favorables, ont conduit à l’adoption d’un comportement de « passagers

clandestins ». C’est comme cela que nos sociétés ne sont pas seulement devenues de plus en plus

16

Pris au sens large, qu’il soit financier, foncier, culturel, relationnel. Dans tous les cas, la part de ce revenu,

généralement plus élevé, qui est permanente, est plus faible et conduit à plus d’épargne : il comporte donc une plus

grande vocation à s’investir. A contrario, celui du travail, généralement plus faible, comporte une plus grande

composante permanente : il correspond donc à une plus forte propension à consommer.

11

injustes, mais en même de plus en plus inefficaces et/ou fragilisées par l’endettement, ce qui à la

longue revenait au même.

C’est pourquoi les confédérations internationales de travailleurs (CIS, CES) et le BIT doivent

obtenir la mise en place de règles de négociations internationales, qui fixeront la façon dont chaque

pays fera évoluer la masse salariale globale suivant cette règle d’or, en fonction de sa situation

conjoncturelle initiale, puis en fonction de ses propres préférences collectives (salaire et/ou temps

de travail, salaire direct et/ou indirects, etc.) et, bien entendu, en suivant ses propres procédures de

délibération.

- Le dumping écologique est par trop criant, sur la plus grande partie de la planète, pour nécessiter

une longue explication. De plus, la question dépasse largement les enjeux du commerce loyal :

même répartis équitablement, les droits à polluer s’additionnent, alors que tout l’enjeu est de les

réduire, voire de les supprimer. C’est pourquoi, l’échec de la conférence de Copenhague a au

moins démontré que les volets commerciaux et écologiques doivent être simultanément traités dans

les grandes négociations internationales, ce qui fournit une justification supplémentaire au passage

sous l’égide des Nations unies de l’OMC et de l’ensemble des autres organisations économiques et

financières.

Une mise en œuvre rapide

La prolongation et donc l’approfondissement de la dépression créent une urgence inédite. Sans faire

aucune concession aux fausses idées en vogue, il est du devoir de tous les citoyens responsables de

proposer des solutions immédiatement applicables, ne serait ce que parce qu’elles bénéficient déjà

sur le plan militant ou, a fortiori sur le plan institutionnel d’une base importante de consensus :

- sur le plan militant, nous disposons de deux textes, qui, à la lumière de ce qui précède, se

complètent largement : d’une part, il s’agit de « la Déclaration Syndicale de Londres » émanant de

la Confédération internationale des Syndicats (CIS), publiée à l’occasion du G20 ; d’autre part, il

s’agit du document de référence sur déclaration de Belem du Forum Social : « Pour un nouveau

modèle économique et social. Mettons la finance à sa place ». On ne saurait trop inviter les uns et

les autres à se rapprocher pour rédiger une plate-forme commune, sur la base de laquelle pourraient

se réunir d’ici au début septembre toutes les démarches militantes, syndicales et

« mouvementistes » : il s’agirait de démontrer à l’opinion mondiale et, par conséquent, aux

principaux décideurs mondiaux qu’ils sont devant une alternative claire : ou bien, continuer à ruser

avec l’histoire, quitte à sacrifier de façon plus symbolique que réelle quelques-uns de leurs anciens

fétiches, mais au risque de provoquer les pires errements incontrôlables dans des délais qui

pourraient être très courts ; ou, bien assumer dans toutes ses dimensions une mondialisation d’un

type nouveau, afin de réellement « tourner la page des années dominées par la cupidité», comme ils

prétendent vouloir le faire. De la qualité de cette convergence entre forces syndicales et

mouvementistes, dépend à l’évidence la seconde convergence qui, des textes et des mobilisations,

devrait se traduire dans la réalité des décisions.

- Sur le plan institutionnel, il existe en effet également deux autres textes de référence qui, avec les

précédents, peuvent jouer un rôle crucial dès le mois de septembre : d’abord celui de l’Organisation

Internationale du Travail, avec sa proposition phare d’un « plan mondial pour l’emploi » ; ensuite,

celui de la commission Stiglitz, commandé par le président de l’Assemblée Générale des Nations

Unies, sur la réforme du système monétaire et financier international. Avec les textes précédents et

les mobilisations qu’ils peuvent susciter, il y a matière à placer d’abord l’ensemble des états du

monde réunis formellement en Assemblée générale, devant la nécessité de trancher entre les voies

ouvertes.

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