Propositions
Déclaration des collectivités locales et territoriales françaises pour Rio+20 Déclaration des collectivités locales et territoriales françaises pour Rio+20
Détails de la proposition
Contexte

Également disponible en English

Cette déclaration des collectivités locales et territoriales en vue de Rio+20 a été rédigée dans le cadre des Assises Nationales du Développement Durable en France, organisées par la Région Midi-Pyrénées à Toulouse, en octobre 2011, au cours desquelles elle a été débattue et enrichie.

 

Ainsi, au terme de ces débats, l’Association des Régions de France, l’Assemblée des Départements de France, l’Association des Maires de France, l’Assemblée des Communautés de France, l’Association des Maires de Grandes Villes de France, la Fédération des Maires de Villes Moyennes, l’Association des Communautés Urbaines de France, l’Association des Petites Villes de France, l’Association des Maires Ville et Banlieue de France, l’Association des Maires Ruraux de France, l’Association Française du Conseil des Communes et Régions d’Europe, l’Assemblée des Régions d’Europe, et les autres réseaux de Collectivités locales souhaitant s’y associer déclarent :

« Les politiques publiques des collectivités territoriales touchent à tous les domaines de la vie, logement, déplacement, emploi, éducation et épanouissement des citoyens. Il nous appartient donc de les développer pour répondre aux aspirations légitimes des populations dans une perspective d’intérêt général en assurant le respect des capacités physiques et biologiques de la planète. C’est avec une vision lucide, acquise grâce à notre expérience de terrain, désireuses de prendre toutes nos responsabilités et animées d’un esprit de coopération avec tous les partenaires concernés, que nous nous présentons devant ce sommet mondial de Rio-2012.

Il vous appartient, États, organisations et agences, autorités publiques de tous niveaux, de nous considérer comme partenaires du développement durable, mais surtout comme acteurs essentiels de la transition à réussir. En effet, la connaissance des territoires, le savoir-faire du développement local, la capacité d’innovation et d’expérimentation, le rôle d’animation au plus proche du citoyen des collectivités locales déterminent largement l’efficacité des politiques publiques.

 

Rio+20 doit donc être le point de départ d’un processus de transition, lançant un cycle de négociations dans la période 2012-2020 et permettant l’élaboration démocratique et transparente des nouvelles formes de gouvernance au sein des Nations Unies afin de répondre aux défis de l’humanité. Force est de constater que cela ne pourra pas se faire qu’avec une réelle intégration des acteurs de la société civile et des collectivités locales. »

 

 

Propositions et résumés

 

 

1 - Les principaux enjeux de la conférence de Rio+20

Depuis la Conférence de Rio en 1992, le monde a profondément changé. L’humanité est directement confrontée aux limites d’une planète dont elle tire ses ressources. Cette confrontation exige un changement de civilisation avec une gestion collective et solidaire de la planète. C’est la condition indispensable de la lutte contre le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’inégalité dans l’accès à l’eau, à la santé, à l’énergie et aux ressources naturelles. Des enjeux planétaires, dont les Objectifs du Millénaire pour le Développement, découlent le sens à donner à l’action publique pour tous les niveaux de collectivités. Faute de cela, l’accroissement des souffrances humaines, la révolte contre les inégalités risquent de dégénérer en violences. Il convient donc de progresser vers une économie verte, qui optimisant l’utilisation des ressources, permette un partage des richesses plus équitable et soutenable et le développement de tous les peuples.

 

La mondialisation, fondée sur les principes seuls de concurrence économique et d’intérêts nationaux, débouche sur un accroissement des inégalités faute de mécanismes de régulation. Ainsi, la crise financière devient une crise systémique profonde qui ne peut trouver d’issue qu’à la condition d’apporter des solutions économiques, sociales, écologiques et politiques dans le cadre d’un développement durable.

 

C’est la raison pour laquelle la conférence qui se tiendra à Rio en 2012 a retenu comme thèmes majeurs l’évolution vers une économie verte, l’éradication de la pauvreté dans le cadre du développement durable et la réalisation de progrès en matière de gouvernance du développement durable. Il est évident que des progrès considérables sont possibles pour réduire les inégalités sociales, diminuer les gaspillages actuels, améliorer nos comportements individuels et collectifs et surtout transformer notre modèle de production et de consommation en direction d’une économie plus écologique et équitable.

 

2 - Le rôle des Collectivités territoriales

Ouvrir la voie à une nouvelle période de l’histoire humaine marquée par ce double mouvement de confrontation aux limites de la planète et de mondialisation de l’économie implique une quadruple cohérence :

Une gouvernance mondiale et une régulation qui assurent le droit de tous au développement et l’accès aux ressources ;

  • La bonne application des engagements pris par les États, la première et la plus importante des responsabilités des gouvernements ;
  • Un rôle accru des collectivités locales et territoriales car elles sont le lieu où les politiques peuvent intégrer les dimensions économiques, sociales et écologiques, et ce dans des processus démocratiques qui mobilisent les citoyens ;
  • Une citoyenneté rénovée dans laquelle chacun(e) construit sa vie par une synthèse originale et individuelle qui allie plaisir de vivre, prise en compte de toutes les dimensions de l’intérêt général (y compris planétaire) et solidarité sociale.

 

Même si l’interdépendance entre l’humanité et la biosphère rend indispensable en premier lieu la recherche de solutions au niveau mondial, les collectivités locales, quelles que soient leur taille et leurs compétences, jouent un rôle essentiel, à la fois par leur action propre et par leur capacité démocratique d’entraîner le citoyen. Dans une économie mondialisée, les collectivités sont le point d’appui où les solidarités, indispensables à la cohésion sociale se tissent au plus près des besoins des citoyens. C’est également de l’adhésion des territoires locaux et de leurs habitants que dépend la mise en œuvre effective des conventions internationales.

 

Les collectivités locales, à travers leurs politiques touchent ainsi à tous les domaines de la vie (habiter, travailler, se déplacer, échanger, s’épanouir, se nourrir, se former, se soigner…). Il leur appartient, avec le concours des autres niveaux territoriaux et internationaux, de les développer pour répondre aux aspirations légitimes de manière durable dans le respect des capacités physiques et biologiques de la planète.

 

Depuis la conférence de Rio de 1992, les collectivités ont fait la preuve de leur capacité d’action dans la mise en œuvre du développement durable. Le chapitre 28 de ce programme d’actions pour le XXIe siècle appelait à une mise en œuvre massive des agendas 21 locaux dès le début des années 1990. S’il aura fallu attendre cette décennie en France pour la mise en œuvre des 1ers programmes, les agendas 21 ont permis de lancer une dynamique importante par la suite, en poussant les collectivités à se poser de nouvelles questions et à rechercher des réponses adaptées, cohérentes et partagées. Les agendas 21 locaux sont une des principales traductions de l’intégration du développement durable dans les politiques publiques.

Le développement durable devient la colonne vertébrale qui assure la cohérence des politiques publiques. Reste que les collectivités ont des compétences et des moyens divers. Leur efficacité dépend aussi de la qualité de leur articulation avec les autres niveaux de collectivités. Si la dynamique des agendas 21, pour des raisons historiques, s’est d’abord emparée des questions écologiques et environnementales, relever les défis sociaux, des modes de production et de consommation constituent les challenges de nouveaux projets territoriaux dans un contexte de crises graves.

Ainsi, la question qui est posée aux collectivités est de plus en plus celle de leur montée en responsabilité, notamment pour la préservation des ressources et de l’environnement, de l’exigence d’équité dans la répartition des richesses (revenus, écologiques…), de capacité d’impulsion pour transformer les modes de production et de consommation. Conscientes de leurs responsabilités, elles entendent tenir toute leur place dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques selon les principes du développement durable.

 

Mais l’atteinte de ces objectifs est conditionnée à ce que chaque niveau, international, européen, national et infra-territorial assure ses responsabilités propres. Elle est donc conditionnée à :

  • l’organisation et l’articulation des différents niveaux d’intervention : la communauté internationale, les États doivent organiser et réfléchir avec les collectivités locales aux modalités selon lesquelles tous coopèrent ;
  • l’orientation des ressources financières et de la fiscalité avec le renforcement des capacités d’intervention des collectivités.

 

La métamorphose en cours de notre civilisation ne pourra dépasser les angoisses et les blocages provoqués que si elle répond à une exigence de justice sociale et environnementale et d’approfondissement de la démocratie. C’est cette avancée démocratique qui permettra de maîtriser les bouleversements profonds des représentations antérieures, qu’elles tiennent à l’économie, aux technologies, aux modes de vie et aux mentalités.

 

Les collectivités y apporteront leur contribution en associant davantage les acteurs locaux, les diverses collectivités publiques, les entreprises, les syndicats, les ONG, les citoyens à l’élaboration des politiques. La réussite de celles-ci nécessite d’obtenir l’adhésion de chacun et sa contribution active. Or, l’élévation du niveau de formation, les nouveaux moyens de communication, permettent une intervention des citoyens beaucoup plus importante dans la préparation des décisions publiques et leur évaluation et une pluralisation des voies démocratiques. L’importance des enjeux nécessite que les décisions publiques s’appuient sur une élaboration avec la plus large participation possible.

 

Les collectivités, dans la continuité de la Déclaration des collectivités locales et territoriales françaises pour le Sommet de Johannesburg, réaffirment :

  • Leur volonté de contribuer au plan d’action 21, à la Déclaration de Rio+20 selon des principes de solidarité, d’intérêt général, de transversalité et de participation ;
  • Le respect de la convention d’Aarhus de 1998, pour développer et favoriser la participation du public à la prise de décision et l’accès à la justice en matière d’environnement ;
  • Leur engagement en faveur de la Charte d’Aalborg (1994 et 2004) pour intégrer des principes de la durabilité dans les politiques urbaines locales ;
  • Leur appui aux déclarations adoptées en vue des conférences sur le changement climatique (Copenhague, Cancún);
  • Leur volonté de mettre en œuvre les engagements de la Déclaration de Dunkerque (2010) sur la transition vers des villes durables ;
  • Leur soutien à la Convention européenne des Maires pour une énergie locale durable (2008) ;
  • Leur détermination exprimée dans la Charte des maires de France pour l’environnement (2007).

 

3 - La mise en mouvement du global au local

La réussite des objectifs qui précèdent nécessitent une progression à toutes les échelles de gouvernance. Ainsi, les collectivités demandent…

 

À la Communauté Internationale de mettre en œuvre les mesures concourant à :
  • Éradiquer la pauvreté, réduire les inégalités sociales et lutter contre les discriminations, alors même que l’on constate une incapacité à tenir globalement les engagements des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), que les inégalités explosent et que la faim touche encore 1 milliard d’habitants. Il faut décider à Rio des Objectifs de Développement Durable complémentaires portant notamment sur l’accès à l’énergie et la recherche de l’autonomie alimentaire des pays.
  • Gérer de façon sobre l’énergie et les ressources naturelles et assurer une stabilité des prix des matières premières et des ressources alimentaires, afin de garantir le maintien et le développement des agricultures locales.
  • Garantir les équilibres écologiques – la stabilisation du climat à un niveau qui garantisse l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’alimentation et évite des désastres écologiques, ainsi que la protection de la biodiversité, et ce à toutes les échelles, selon un principe de responsabilité commune et différenciée.
  • Construire un système de protection sociale au bénéfice de tous les peuples, alors même que la mondialisation de l’économie se traduit par la mise en concurrence des travailleurs des différents pays et la mise à mal des systèmes de protection sociale, là où ils existent, sous la contrainte des exigences économiques.

 

Il s’agit pour cela de :

  • Instaurer des mécanismes de régulation au niveau mondial, en matière financière, monétaire, commerciale et fiscale en vue d’apporter une réponse à l’instabilité économique et financière à l’origine de drames sociaux et écologiques.
  • Rendre les collectivités parties prenantes des processus d’élaboration des programmes, politiques et mesures mettant en jeu leurs responsabilités dans la mise en place des politiques de développement durable, dont la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité.
  • Donner au regroupement des collectivités territoriales le statut, d’organisation intergouvernementale, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies.
  • Constituer un Conseil de Développement Durable qui coordonne à ce titre les agences et programmes opérationnels des Nations Unies.
  • Associer les collectivités locales à la négociation des réponses à la crise financière – qui ne les épargne pas – sachant que plusieurs de ses composantes – la spéculation sur des biens communs comme le logement ou l’alimentation, les déficits publics, nécessitent des réformes qui portent sur la fiscalité et les capacités de financement à long terme.
  • Permettre aux collectivités locales d’accéder aux financements des banques multilatérales de développement pour la mise en œuvre des politiques locales de développement durable et la coopération entre territoires.
  • Renforcer le soutien aux actions de coopération décentralisée et de solidarité internationale qui s’inscrivent dans des démarches territoriales de développement durable, Agenda 21, Plan Climat…
  • Adopter des nouveaux indicateurs, représentatifs des dimensions non évaluées par le PIB comme la qualité de la vie ou de la soutenabilité écologique et sociale (Empreinte Écologique, Indicateur de Développement Humain (IDH)  Indicateur de Santé Sociale; (ISS)…).

 

Aux Institutions Européennes
  • De consacrer des moyens financiers nécessaires aux stratégies territoriales de développement durable et de faciliter leur accès aux collectivités locales, dans le cadre des politiques européennes (politique de cohésion, politique agricole commune…).
  • De veiller à la préservation de l’autonomie d’action et d’organisation des collectivités pour la mise en œuvre de services publics à haute qualité et l’accessibilité de tous.

 

À l’État
  • Poursuivre la décentralisation en appliquant le principe de subsidiarité, notamment pour la lutte contre le changement climatique et en matière de politique énergétique.
  • Octroyer aux collectivités locales la capacité à produire du droit opposable en faveur de l’expérimentation et l’innovation car elles sont le creuset des innovations technologiques et surtout organisationnelles et comportementales.
  • Associer les collectivités dans la définition des politiques publiques car elles prennent une place déterminante à leur réussite.
  • Faire évoluer la fiscalité pour donner une marge de manœuvre aux collectivités et leur assurer la prévisibilité indispensable de leurs ressources financières.
  • Revaloriser la notion d’investissement social permettant la réorientation des marchés publics en vue des pratiques du développement durable.

 

4 - Les engagements que prennent les collectivités locales

 

Pour leur part, les Collectivités, par la présente déclaration, s’engagent à :

  • S’inscrire dans la continuité de Rio-92 à travers la conception du développement durable liant soutenabilité écologique, justice sociale et promotion des démarches territoriales de développement durable comme l’agenda 21.
  • Promouvoir la transition vers des territoires soutenables, solidaires et équitables, assurant un ancrage territorial du développement économique, en renforçant leur résilience selon une gestion écologiquement durable des ressources locales (ressources naturelles, énergies renouvelables…) et socialement responsable (emplois et innovations, technologies vertes…).
  • Favoriser l’accès à l’information et assurer la participation des citoyens à la vie publique, à l’élaboration des politiques publiques et à leur évaluation.
  • Rechercher l’optimisation, la sobriété et le partage dans l’usage des ressources.
  • Œuvrer pour un accès à l’éducation et à l’emploi égalitaire entre toutes les catégories de la société avec une attention particulière pour la question du genre, les jeunes et les personnes en situation de handicap.
  • Promouvoir la formation tout au long de la vie pour aider chacun dans les considérables mutations en cours.
  • Soutenir une vision multiculturelle et solidaire du développement durable tenant compte de la pluralité des voies de développement dans le respect des cultures, des individus et des savoir-faire locaux et dans le respect de l’intérêt général.
  • Faciliter un accès équitable aux besoins essentiels de proximité : eau potable et assainissement, énergie, santé, transports collectifs, logement, etc.
  • Utiliser la commande publique comme levier vers le développement durable en développant les services de proximité d’approvisionnement alimentaire et énergétique, l’économie sociale et solidaire, en favorisant la relocalisation d’activités…
  • Favoriser l’articulation entre les politiques de développement durable des divers niveaux de collectivités par la coopération inter territoriale.
  • Contribuer à travers la coopération décentralisée à renforcer les capacités des pays en développement à progresser vers un développement durable et solidaire.
  • Déployer après la conférence de Rio une nouvelle génération d’agendas 21 et autres projets territoriaux de développement durable qui en reprennent les avancées et mettent en œuvre les principes d’intérêt général.

 

 

Actores
Régions