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African Manifesto for 2060 Manifeste africain pour 2060

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L’année 2010 est un moment symbolique de rétrospection mais aussi et surtout d’introspection.

 

La célébration du premier cinquantenaire des indépendances dans plusieurs pays africains est un moment symbolique de rétrospection à un double titre. Elle est d’abord une occasion pour rendre un hommage mérité et renouvelé aux femmes et hommes qui, partout en Afrique et dans le monde, ont contribué à la libération du continent au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle pose ensuite l’exigence de faire le bilan de l’évolution d’un continent qui n’a pas été globalement maître de son destin. Sous ce double rapport, les rêves nourris par les grandes figures des indépendances se sont progressivement dissipés et ont laissé place à un avenir incertain et surtout à une inquiétante absence de perspectives pour les africains, surtout les jeunes.

 

Moment de rétrospection, le symbole du cinquantenaire doit aussi être érigé comme un moment d’introspection, un devoir d’introspection qui incombe au premier chef aux élites politiques et économiques. Leur responsabilité dans le bilan de l’évolution de l’Afrique est incontestable car malgré les efforts accomplis, elles n’ont pas su, en général, gérer au mieux les affaires publiques et créer les conditions d’un développement économique et social propice à l’épanouissement et au bien-être matériel et moral des populations africaines ainsi qu’à la préservation de la paix sociale. La mal gouvernance a conduit le continent à demeurer la partie la plus pauvre du monde, malgré son immense potentiel naturel, alors que les atteintes à la démocratie, à l’État de droit et aux libertés individuelles et collectives ont jalonné les premières décennies des indépendances, avant le couronnement des idéaux de la démocratie dans les années 90 ; même ces avancées politiques sont aujourd’hui fragilisées par les interminables contentieux électoraux, l’instrumentalisation politique des questions ethniques ou encore les dérives monarchiques aux seules fins de conservation ou d’accès au pouvoir politique.

 

Le devoir d’introspection incombe aussi aux élites intellectuelles du continent. Elles ont parfois, voire souvent, été les complices, actifs ou passifs, des dérives des pouvoirs politiques dans la gestion des affaires publiques. Confinées dans des stratégies de survie individuelle, elles n’ont pas suffisamment assumé leur responsabilité collective dans la marche du continent et dans la défense des intérêts des populations africaines. Le devoir d’introspection incombe enfin, mais dans une moindre mesure, à la communauté internationale qui a contribué à la détérioration de la situation politique, économique et sociale de l’Afrique. Par la prescription des politiques d’ajustement structurel et la définition unilatérale par les pays riches des règles de l’économie mondiale, elle a réduit les capacités d’intervention et de redistribution des États africains, aggravé la dépendance chronique envers l’aide financière et technique internationale et accéléré la marginalisation du continent africain dans le processus de mondialisation.

 

L’année 2011 doit être un moment de projection vers le deuxième cinquantenaire.

 

Si les hommes et femmes qui ont contribué aux indépendances ont assumé leur responsabilité devant l’histoire en permettant au continent de se libérer du joug de la colonisation, il appartient aux générations actuelles d’assumer leur responsabilité envers les générations futures. En ce début du deuxième cinquantenaire, rendez-vous doit être pris, symboliquement, avec l’année 2060 qui marque la fin de ce deuxième cinquantenaire. Partout dans le monde, la construction de nations modernes et la définition de stratégies de développement ont pris beaucoup de temps. L’Afrique n’échappe pas à cette règle, mais elle doit prendre effectivement son destin en mains en s’engageant énergiquement dans un projet collectif dont la construction et la mise en œuvre appartiennent à la fois aux élites politiques et intellectuelles et à l’ensemble des acteurs sociaux dans et hors du continent.

 

Dans cette voie, et en complémentarité avec les efforts consentis par les acteurs institutionnels et non institutionnels dans chaque pays, au niveau régional, continental et mondial, nous appelons à consacrer ce début du deuxième cinquantenaire, non pas à nous contenter de refaire un bilan, mais plutôt à faire émerger une Afrique avec sa propre vision du monde, sa propre conception de la gouvernance et son propre itinéraire de développement ancrés dans les réalités du continent et répondant aux défis de la modernité et de la mondialisation. Nous appelons, à travers l’organisation d’une grande conférence intitulée « Le deuxième cinquantenaire des indépendances : l’Afrique prend son destin en mains », à tracer des perspectives concrètes pour qu’en 2060, les générations actuelles lèguent aux générations futures :

 

  • Une Afrique qui a trouvé elle-même sa voie en tirant le meilleur de ses traditions, revisitées à la lumière des défis du 21e siècle, et le meilleur de l’expérience internationale, librement interprétée par elle et non imposée sous forme de normes et de conditionnalités;
  • Une Afrique dotée d’un système de production et d’échange lui permettant à son tour de bénéficier des avantages de la mondialisation mais aussi d’énoncer ses propres règles du jeu afin de préserver ses écosystèmes, de développer progressivement ses propres compétences et son propre système productif, de concevoir son propre développement durable en se réappropriant son riche potentiel ;
  • Une Afrique qui a renouvelé ses relations et renforcé un partenariat juste et équitable avec les autres pays et continents du monde, qui est sortie de la dépendance et fait entendre sa voix dans le concert des Nations.

 

 

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