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Who will control the Green Economy? Qui contrôlera l’économie verte?

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Devant les changements climatiques, les crises financière et écologique ainsi que l’omniprésence du fléau de la faim, les gouvernements prenant le chemin de Rio+20 (Sommet de la Terre de 2012) s’empresseront d’adopter des transformations technologiques (quelles qu’en soient les formes) qui permettraient d’accoucher d’un plan B politiquement opportun pour la planète. Les solutions technologiques découlant de l’Économie verte semblent actuellement séduisantes, mais demeurent dangereuses, car elles risquent d’engendrer une concentration accrue du pouvoir des entreprises, et de déclencher une avalanche de technologies brevetées dans les communautés alors que celles-ci ne sont pas consultées quant à leurs impacts – ni d’ailleurs préparées à ceux-ci.

 

Les solutions technologiques ne sont pas en mesure de répondre aux problèmes systémiques que sont la pauvreté, la faim et les crises environnementales. En l’absence d’un débat intergouvernemental et d’une vaste participation des organisations populaires et de la société civile, le Sommet de la Terre se transformera en une opération de mainmise sur la Terre. L’objectif ne consiste pas à rejeter l’Économie verte, mais bien à construire des systèmes économiques durables qui se fondent sur une utilisation appropriée de la biodiversité afin de répondre aux besoins humains tout en préservant l’intégrité des systèmes environnementaux. Le vieil adage disant que « le statu quo en ce qui concerne nos façons de faire n’est pas une avenue envisageable » doit être renforcé par un autre d’égale importance : le statu quo en ce qui concerne la gouvernance n’est pas une avenue envisageable.

 

Les structures de gouvernance onusiennes actuelles en matière d’environnement et d’agriculture souffrent d’un manque de coordination interinstitutionnelle, de lacunes en ce qui concerne une représentation efficace de la majorité des gouvernements, et de l’absence d’occasions permettant une véritable participation de la société civile et des mouvements sociaux. Il est essentiel de réaliser que le sommet Rio+20 se soldera par un échec, à moins que des mesures soient prises afin de renforcer la démocratie et la participation populaire au sein de la structure onusienne. Les gouvernements doivent s’assurer de la pleine participation des différents mouvements sociaux – particulièrement ceux représentant les communautés autochtones, agricoles et celles qui sont directement touchées par les mesures proposées. Les efforts visant à s’affranchir de l’hégémonie des entreprises et à construire des systèmes économiques véritablement durables doivent inclure les trois aspects suivants :

 

Législation antitrust

 

Les mesures antitrust actuellement en place sont impuissantes devant la concentration croissante du pouvoir des entreprises et la mondialisation. Une étude réalisée en 2011 par des chercheurs suisses révèle qu’en 2007, 147 entreprises – qui collectivement, forment une superentité économique – détenaient près de 40 % de la valeur financière de l’ensemble des entreprises transnationales187. Un rapport publié en 2010 par le Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation recommande de renforcer les lois sur la concurrence et les législations antitrustafin de favoriser le respect des droits de la personne, dont notamment le droit à l’alimentation, au travail et au développement.

 

Bien qu’elle soit encore inachevée et qu’elle ne fasse pas autorité en matière de législation supranationale antitrust, la Loi type sur la concurrence rédigée par la CNUCED représente l’un des efforts visant à renforcer la coopération multilatérale en ce qui concerne les régimes de concurrence (par exemple, application des politiques sur la concurrence). Les gouvernements doivent ainsi explorer de nouveaux modèles novateurs.

 

Le rôle central de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

 

Il existe une inquiétante tendance au sein du processus de négociation précédant le sommet Rio+20 consistant à intégrer l’alimentation et l’agriculture au sein d’un plus vaste programme environnemental. Or, ce dernier ne tient pas compte de la récurrence des crises alimentaires mondiales, ni des liens unissant l’agriculture industrielle à la crise climatique. Il est nécessaire de reconnaître l’importance cruciale de l’agriculture – et particulièrement le rôle central que jouent les petits agriculteurs – dans le cadre de toute discussion entourant l’Économie verte. Les petits agriculteurs sont non seulement à l’origine d’au moins 70 % de la production agricole mondiale, mais leurs actions collectives représentent notre meilleur espoir pour s’adapter à la crise climatique et atténuer ses conséquences. Les décideurs internationaux doivent combler le fossé qui sépare actuellement la sécurité alimentaire, l’agriculture et la politique climatique, notamment en soutenant l’idée que la souveraineté alimentaire constitue le cadre général à l’aune duquel régler ces questions. (Contrairement au système agroindustriel actuel, qui permet aux lois du commerce international et aux forces du marché de dicter les politiques alimentaire et agricole, la souveraineté alimentaire reconnaît le droit des nations et des peuples à déterminer leurs propres politiques alimentaire et agricole par voie de démocratie.)

 

Processus international d’évaluation et d’information pour les technologies

 

Les gouvernements qui se rencontreront à Rio devraient adopter un processus permettant de débattre d’un mécanisme d’évaluation et d’information pour les technologies qui s’inspire du principe de précaution, et de travailler à sa mise en place. Ce mécanisme renforcera la souveraineté nationale et les capacités en regard de l’évaluation des impacts sanitaires, environnementaux, économiques et sociaux des technologies émergentes (biotechnologie, nanotechnologie et biologie synthétique), particulièrement dans les pays du Sud. Toute technologie émergente semblable à la géo-ingénierie, qui peut être déployée de manière unilatérale alors qu’elle est conçue dans le but de modifier le climat mondial, ne devrait pas être autorisée avant qu’un tel mécanisme ne soit préalablement mis en place.

 

 

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