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Durban : le Protocole de Kyoto s'éloigne comme un mirage Durban: le Protocole de Kyoto s’éloigne comme un mirage

 

C’est dans le contexte d’une Afrique du Sud confrontée aux inondations que s’est déroulée la COP 17 à Durban jusque dans la nuit du 11 décembre. Pour sauver ce qui peut l’être du Protocole de Kyoto qui expire en 2012, les négociateurs ont décidé de reporter à 2020 l’éventuelle mise en oeuvre d’un nouvel instrument légal sur les gaz à effet de serre et d’aboutir à un plan d’action sur les futures trajectoires d’émissions d’ici à la COP 18, qui se tiendra au Qatar.

 

Malgré la réalité du réchauffement global, confirmée par une accumulation de travaux scientifiques, la communauté internationale, divisée, est impuissante à s’engager dans une feuille de route l’orientant vers une inflexion radicale à court terme de ses émissions de gaz à effet de serre. Sans doute parce que ces objectifs sont désormais inatteignables dans le temps imparti.

 

Il suffit de consulter le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour s’en convaincre. L’AIE prévoit que la demande énergétique globale va augmenter de 47% d’ici à 2035. Les taux de croissance des émissions sont très rapides. Le rebond de 5% de la demande mondiale d’énergie primaire en 2010 a porté les émissions de CO2 à un nouveau pic. Selon le scénario prospectif de l’AIE, les émissions cumulées des 25 prochaines années équivaudront aux deux tiers des émissions dégagées depuis 110 ans… soit un réchauffement global annoncé de 3,5°C minimum.

 

Lors d’une conférence de presse, le 6 décembre à Durban, Maria van der Hoeven, directrice exécutive de l’AIE, a exhorté les pays industrialisés à ne pas attendre d’accord climatique global pour mettre en œuvre des politiques énergétiques soutenables dans leurs pays respectifs. L’AIE, dans son rapport World Energy Outloook 2011, en appelle à un changement de cap radical, combinant standards d’efficacité énergétique, prix du carbone, et déploiement des énergies renouvelables.

 

Miroir aux alouettes ou changement de paradigme

 

Réconcilier les objectifs de réduction des émissions et les seuils de précaution scientifiques pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C impliquerait que les pays industrialisés amorcent des réductions de 25% à 40% d’ici à 2020. Ces objectifs drastiques pour une hypothétique deuxième période de Kyoto ne pourraient être atteints que par une forte décrue des consommations d’énergie : il s’agirait d’un changement très rapide de modèle de société supposant la remise en question du modèle de croissance actuel.

 

« C’est un véritable changement de paradigme qu’il faut opérer. Durban doit donc être envisagé comme la composante, indispensable, d’un processus beaucoup plus global, dont l’étape symbolique sera la Conférence Rio+20, qui aura lieu en juin 2012. Question cruciale, le climat ne pourra être résolu sans s’ancrer dans une vision beaucoup plus large et complète regroupant des enjeux de transition écologique, de conception d’une « nouvelle économie », de nouveaux modes de consommation, et, évidemment, la construction d’une nouvelle gouvernance mondiale capable de relier les enjeux locaux et globaux », envisageait Pierre Radanne à la veille de la COP 17.

 

Mais le débat sur un nouveau modèle post-carbone, voire post-croissantiste, est absent. Focalisées sur l’analyse des mécanismes de Kyoto, les grandes ONG environnementales elles-mêmes n’envisagent pas de réorientation de l’agenda. Devenues expertes, au fil des années, de la comptabilisation de l’air chaud et des échappatoires liés à l’inclusion des forêts dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre, elles ne sont pas parvenues à faire émerger des propositions autres qu’une correction à la marge des aberrations originelles du système Kyoto.

 

Une négociation sans pilote

 

L’immensité du défi, combinée à la crise de la dette européenne, prive la planète de leaders à la mesure de l’enjeu. La Chine, qui a eu des velléités de prendre le pas sur les négociations à Durban, s’est finalement révélée attentiste, tout comme l’Inde et le Brésil. « Les émergents jouent à ne pas être leaders », commente Laurence Tubiana, directrice de l’Iddri, qui dit n’avoir « jamais vu une négociation aussi lente » qu’à Durban. L’Inde, la Chine et les Etats-Unis concourent à torpiller le processus, tandis que l’Europe, minée par la crise de la dette, se divise.

 

Les émergents aspirent à leur tour à l’exubérance. Selon l’AIE, la Chine va conforter dans les 20 prochaines années sa position de premier consommateur d’énergie mondial. Ses émissions per capita atteindront celles des pays de l’OCDE en 2035. Quant au Brésil, il vient de réformer son code forestier, « ouvrant la porte à une destruction à grande échelle de ce précieux écosystème », s’inquiète le WWF dans un communiqué du 8 décembre. En plénière informelle, la représentante indienne a hurlé l’attachement de son pays à « l’équité, principe intangible du débat sur le changement climatique. En aucun cas le partage du fardeau ne saurait être transféré ! ». En d’autres termes, pas question pour l’Inde de rallier quelque engagement contraignant.

 

La mort lente du Protocole de Kyoto

 

« Le Protocole de Kyoto ne mourra pas l’année prochaine, car sa charge symbolique est encore trop forte pour les pays en développement et surtout il constitue le seul accord permettant la mise en place de mécanismes de flexibilité et des mécanismes de marché », note Pierre Radanne. « C’est également dans le cadre du texte sur le protocole de Kyoto que sont prévus les financements de l’adaptation, via le Fonds. C’est donc, plus que la mort du Protocole de Kyoto, son endormissement progressif : si certaines fonctions vitales subsistent, sa nature juridique, cœur du texte et ses engagements contraignants, sont mis en sommeil », note Pierre Radanne.

 

Dans ce vide de décisions, le fonds vert, principal acquis de la négociation précédente à Cancùn, surnage, telle une coquille vide. Destiné à soutenir les pays vulnérables aux conséquences du réchauffement, et au financement d’une transition énergétique soutenable dans les pays en développement, ce Fonds, qui devait être abondé de 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012, puis de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, ne récolte que quelques dizaines de millions de dollars pour le moment.

 

Pendant la conférence, le WWF a tenté de rassembler une task force sur les financements innovants, sous la houlette de plusieurs ministres de l’environnement, dont Nathalie Kozciusko-Morizet, ministre française de l’écologie et ses homologues de Bolivie, Zambie et Afrique du Sud. Pour Benoît Faraco, chargé des questions climatiques à la Fondation pour la nature et l’Homme, « peu de progrès ont été accomplis sur les nouvelles sources de financements, et notamment la taxe sur le transport maritime international. Cette question, débattue depuis des années dans les négociations climat, risque une nouvelle fois de passer à la trappe si les ministres ne corrigent pas le tir ».

 

Si le GIEC était une agence de notation…

 

« Retarder toute action réelle après 2020 est un crime aux proportions mondiales », selon Nnimmo Bassey, président des Amis de la Terre International. « Une augmentation de 4°C de la température mondiale, permise par ce plan, est une condamnation à mort pour l’Afrique, les petits États insulaires, et les pauvres et les personnes vulnérables de l’ensemble de la planète. Ce sommet a amplifié l’apartheid climatique, les 1 % les plus riches de la planète ayant décidé qu’il était acceptable d’en sacrifier les 99 % ».

 

Selon Pablo Solon, ancien négociateur en chef de l’Etat plurinational de Bolivie, « il est faux d’affirmer qu’une deuxième période d’engagements du protocole de Kyoto a été adoptée à Durban. La décision actuelle a seulement été reportée à la prochaine COP, sans engagement de réduction d’émissions de la part des pays riches. Cela signifie que le protocole de Kyoto restera en vie jusqu’à ce qu’il soit remplacé par un nouvel accord encore plus faible ».

 

Difficile de voir dans l’issue de Durban autre chose qu’un succès des grands pollueurs de la planète et d’un modèle de croissance spéculative insoutenable. Du Protocole de Kyoto, il restera les mécanismes de projet, MDP et marchés carbone. « Ce que certains considèrent comme de l’inaction est en fait une démonstration de l’échec, palpable, de notre système économique actuel pour répondre aux crises économiques, sociales et environnementales » selon Janet Redman, de l’Institute for Policy Studies, basé à Washington. « Les banques qui ont provoqué la crise financière sont en train de faire d’importants profits en spéculant sur le futur de notre planète. Le secteur financier, acculé, cherche un moyen de s’en sortir à nouveau en développant de nouveaux produits pour soutenir un système défaillant ».

 

Pour les organisations membres de la plateforme Justice climatique présentes à Durban (Inter-Environnement, WWF, Greenpeace, CSC, FGTB, Oxfam et CNCD-11.11.11), « on voit les dirigeants du monde entier s’affoler devant les menaces des agences de notation, pendant que notre climat continue à se dérégler à grande vitesse. Si le GIEC était une agence de notation, le problème du réchauffement global serait déjà réglé ! ».

 

 

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