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19 novembre 2011
20 ans après…et où en est-on ?
Par Sunita Narain
Également disponible en English
Ce texte a initialement été publié en anglais et il a été traduit par Alessandra Stanimirov, traductrice bénévole pour rinoceros.
C’est au Brésil, dans la joyeuse ville de Rio de Janeiro, que les dirigeants du monde entier se réuniront en juin 2012 à l’occasion des 20 ans de la Conférences des Nations Unies sur le Développement Durable, aussi connue sous le nom de Sommet de la Terre.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, 40 années se seront écoulées depuis la conférence de Stockholm, lorsque les questions d’environnement ont pour la première fois retenue l’attention internationale. À Stockholm, les pays en voie de développement – Indira Gandhi, alors Première ministre de l’Union indienne, était la seule dirigeante de cette partie du monde à assister à la conférence – étaient dans l’incertitude. Ils tâtaient le terrain pour exprimer clairement ce que l’environnement signifiait pour eux, quelles ressources seraient nécessaires à leur propre développement et quelles seraient les conséquences éventuelles de leur croissance en termes de pollution. La célèbre formule de Mme Gandhi, « la pauvreté est la plus grande source de pollution », a depuis été interprétée de plusieurs façons. En 1992, lors de la conférence de Rio, ce groupe de pays, refroidis, décidèrent de mettre le holà en faisant valoir leur droit au développement durable.
Cette conférence de Rio+20 arrive à un moment crucial sur la scène internationale. Le risque d’une récession à deux chiffres aux USA, la crise financière au sein de la zone euro, la flambée des cours du pétrole, tout cela incite à repenser le modèle de croissance actuel. Quels sont les liens entre ce modèle, bâti sur la consommation créatrice de richesse, et le défi qu’il représente pour la durabilité ? On sait aujourd’hui qu’une cause sous-jacente de la tension financière réside dans la dépendance envers les prêts à taux réduit ou la production bon marché dans le but d’inciter à la consommation afin d’alimenter la croissance. Le monde n’a pas été en mesure de concevoir un modèle de croissance répondant aux aspirations et au pouvoir d’achat des gens, en fait aux besoins de tous. Une telle croissance a ses limites, telle est la leçon qu’en tire aujourd’hui un monde en plein essor. Il est impossible d’imiter le mode de vie des pays déjà industrialisés sans mettre en péril la survie de notre planète. De telles limites exigent que le monde se partage la Terre, pour que la croissance soit accessible et viable, pour tous.
Le monde risque de perdre son dividende pour le développement. Les pauvres, déjà à la limite de la survie, sont encore plus vulnérables après chaque catastrophe naturelle. Les bénéfices crées par l’investissement en faveur du développement n’existent presque plus. Le monde doit donc, d’une part, réinventer le modèle de croissance car on y perd la croissance, et d’autre part, réinventer la croissance elle-même car on y perd notre planète.
À quoi devrait donc ressembler le projet planétaire ?
En premier lieu, il nous faut de nouveaux indicateurs économiques afin de mesurer la prospérité au sein du monde inclusif et responsable des émissions de CO2 qui est le nôtre. Il est de plus en plus admis que la méthode actuelle permettant de mesurer le progrès économique en termes de produit national brut ne fournit pas les signaux adéquats pour évaluer la croissance à la fois juste et viable. Le Bhoutan a adopté le Bonheur National Brut comme indicateur de référence du bien-être, excluant la richesse en tant que telle. En 2008, la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social a été constituée à la demande du Président Nicolas Sarkozy, et ce, en réponse aux préoccupations concernant l’insuffisance des instruments de mesure de la performance économique actuels. Le choix d’avoir un instrument de mesure économique est important, car il permet au monde d’évaluer avec un regard neuf la performance économique et le progrès social. Mais quels sont les indicateurs « adéquats », qui permettront d’évaluer le modèle de développement à bas carbone de la prochaine génération ? Il s’agit là d’une question fondamentale, toujours en attente d’une résolution.
En deuxième lieu, le monde doit investir dans l’exigence d’un cadre global pour l’égalité des droits et le droit à l’espace atmosphérique global pour tous, ce qui à son tour intégrera des conditions limitant la consommation et la production. Le budget atmosphérique de notre planète doit être partagé par tous. Un tel partage créera les conditions favorables aux choix économiques décisifs liés aux changements des modes de consommation et de production. L’acceptation d’une telle limite doit représenter un moteur politico-économique clé dans le monde entier. Si cela ne peut être mis en place, alors, rien n’incitera vraiment à s’éloigner du modèle de croissance économique actuel, non-viable.
En troisième lieu, pouvons-nous passer à l’énergie verte ? Pour cela, il faudra mettre en place un mécanisme de tarif de rachat global. En aurons-nous le courage ? Il est bien entendu que la transition vers une croissance à faibles émissions de carbone requerra un important investissement dans de nouvelles technologies renouvelables, ainsi que dans des systèmes de distribution qui réduiront les coûts de transmission et les pertes. Le défi est rendu encore plus complexe : la plupart des ménages dans le monde restent privés d’électricité et font face à une insécurité énergétique. Le monde doit donc trouver des alternatives énergétiques à la fois durables et accessibles à tous.
Il est également évident que les pays du Sud ont la possibilité de se lancer directement dans des solutions énergétiques nouvelles, car ils n’ont pas encore totalement investi dans les systèmes d’énergie fossile qui constituent une menace pour notre planète. La transition vers un avenir énergétique à faibles émissions de CO2 peut être financée par le biais d’un mécanisme de tarif de rachat global, qui prendrait en charge le coût différentiel lié à la production de technologies renouvelables utilisant une énergie plus onéreuse. De nombreux pays ont déjà adopté des réglementations de tarif de rachat internes. L’Allemagne, par exemple, où les consommateurs sont relativement riches, a besoin de services d’électricité pour payer ce coût différentiel. En Inde, en revanche, où l’insécurité énergétique et les coûts énergétiques sont élevés et les consommateurs sont pauvres, l’approche consiste à combiner de l’énergie bon marché à de l’énergie plus coûteuse afin de réduire les prix. Ces différentes approches nous montreront quelles sont les options pour l’avenir.
Mais cela ne suffit pas. Les dirigeants du monde entier doivent défendre des « messages gênants », qui remettent en question le modèle actuel du business-as-usual. À Rio, tous les dirigeants devraient se déplacer en bus, pour dire qu’ils souhaitent un monde sans voitures. Dites-le clairement, ouvertement et sans hésitation. Changez la donne. C’est ce que nous voulons. Nous n’attendons que ça.