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Río 2012: ¿Cumbre de la Tierra o despojo global? 
Rio 2012: le prochain Sommet de la Terre rimera-t-il avec mainmise planétaire?
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Lors du Sommet Rio+20, les gouvernements ont la possibilité de mettre sur pied un réseau environnemental multilatéral qui réagisse rapidement et soit représentatif… ou d’ériger un nouvel Empire environnemental. Scénarios possibles en trois points :

 

Gouvernance verte

 

  • Une mainmise sur la planète (des négociations précipitées pourraient mener à…): La mise sur pied d’un pseudo-mécanisme de gouvernance verte inspiré des Nations unies, plus centralisé, privilégiant le secteur privé et les Institutions de Bretton Woods, tout en excluant les pays du Sud alors qu’il s’empare du contrôle de l’environnement, des ressources naturelles (y compris l’agriculture) et de la lutte aux changements climatiques;

 

  • … ou un programme pour la planète (qui se fonde sur la participation, la précaution et qui…): Déploie un nouveau réseau environnemental étendu, participatif et transparent, rattaché aux Nations-unies et au sein duquel les gouvernements des pays du Sud et la société civile peuvent aborder l’ensemble des questions qui sont actuellement régies par 500 accords et organisations distincts; et permet au Conseil de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) des Nations unies, récemment réformé, d’agir à titre d’interlocuteur en matière de politiques et de programmes concernant l’alimentation, l’agriculture et le développement rural;

 

 

Économies vertes

 

  • Une mainmise sur la planète (des négociations précipitées pourraient mener à…): Le renforcement tacite d’une série de soi-disant technologies vertes non éprouvées servant de bases à l’Économie verte (incluant la biologie synthétique, la nanotechnologie, la génomique et la géo-ingénierie), qui s’accapareront les ressources naturelles des pays du Sud (incluant une fois de plus l’agriculture), et…

 

  • … ou un programme pour la planète (qui se fonde sur la participation, la précaution et qui…): À titre d’élément central du développement de sociétés durables et d’économies vertes socialement, économiquement et culturellement acceptables et diversifiées, engage, en 2012, les Nations unies dans un processus de négociations menant à la mise sur pied d’un mécanisme international d’évaluation et d’information en matière de technologie, lequel renforcerait la souveraineté des pays et leurs choix politiques en matière de technologie;

 

 

Stratégies de lutte contre les changements climatiques

 

  • Une mainmise sur la planète (des négociations précipitées pourraient mener à…): La soumission à un régime de transfert technologique (qui sera possiblement complété à Durban ou à Rio) qui remettra à l’industrie l’ensemble du contrôle sur le déploiement de technologies non testées – dont, particulièrement, les techniques se rapportant à la géo-ingénierie.

 

  • … ou un programme pour la planète (qui se fonde sur la participation, la précaution et qui…): Garantit l’intégrité de la communauté multilatérale et la préséance du principe de précaution à titre d’élément central de la réglementation et du transfert des technologies; et assure le contrôle des Nations unies sur l’ensemble des technologies visant la lutte aux changements climatiques et l’interdiction exécutoire de recourir à la géo-ingénierie par l’entremise, notamment, d’une convocation des États signataires de la Convention ENMOD (soit la Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, entrée en vigueur en 1978) à une rencontre préliminaire.

 

 

La longue route menant à Rio+20 a pris un demi-siècle à parcourir

 

D’une manière plus précise, Rio+20 pourrait être rebaptisé Stockholm +40 – ou encore, selon des termes plus philosophiques : Printemps silencieux -50 (l’année 2012 marquant le cinquantième anniversaire de la publication du célèbre livre de Rachel Carson). La Conférence des Nations unies sur l’environnement humain qui s’est tenue à Stockholm en 1972 a donné naissance au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), ainsi qu’au cadre institutionnel définissant la manière dont les Nations unies répondent aux questions environnementales. De son côté, le Sommet de Rio de 1992 a établi le plan d’action mondial en matière d’environnement pour le 21e siècle.

 

La conférence Rio+20 a quant à elle pour mandat de revoir ce plan d’action et de le mettre en œuvre. Certains États soutiennent que Rio+20 doit être tourné vers l’avenir et que la mise à jour des engagements convenus initialement à Rio est inutile. Il s’agit là d’une erreur. Les gouvernements doivent éviter les prémisses erronées s’ils ne veulent pas se faire avoir par de fausses promesses.

 

Les structures de gouvernance en matière d’environnement et d’agriculture actuellement en place aux Nations unies souffrent d’un manque de coordination interinstitutionnelle; d’un manque, pour plusieurs gouvernements, d’une représentation réelle; et, enfin, de l’absence de participation de la part de la société civile et des mouvements sociaux.

 

Rio+20 offre une occasion concrète de renforcer la démocratie et la participation populaire au sein du système des Nations unies.  Pour être authentiquement vertes, les économies doivent être fondées sur une utilisation appropriée de la biodiversité afin de répondre aux besoins de la population humaine et de sauvegarder les écosystèmes de la planète. Les gouvernements et la société civile réservent un accueil particulièrement favorable à la création et au renforcement d’économies vertes diversifiées, qui possèdent un rayonnement local et sont socialement, culturellement et écologiquement acceptables; ils encouragent également les communautés et les pays à explorer activement cet important objectif. Cependant, sans débat intergouvernemental approfondi ni participation populaire, la possibilité qu’une nouvelle Économie verte serve de moyen pour exploiter et développer les ressources biologiques ou les autres ressources naturelles des pays du Sud – en soutenant leurs peuples et en protégeant l’environnement – pourrait faire place à la plus importante mainmise sur les ressources jamais vue depuis plus de 500 ans.

 

Trois moyens de contrer les plans des nouveaux maîtres du vivant

 

Les mois à venir sont autant porteurs de risques que d’opportunités. Alors que les risquent sont évidents, les opportunités se font plus discrètes. Nous proposons ici trois grands moyens de contrer les plans des nouveaux maîtres du vivant :

 

1. Gouverner de manière verte – Un nouveau réseau environnemental rattaché aux Nations unies

Déployer un nouveau réseau environnemental étendu, participatif et transparent, rattaché aux Nations unies et au sein duquel les gouvernements des pays du Sud et la société civile peuvent aborder l’ensemble des questions qui sont actuellement régies par 500 accords et organisations distincts; et qui… permet au Conseil de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) des Nations unies, récemment réformé, d’agir à titre d’interlocuteur en matière de politiques et de programmes concernant l’alimentation, l’agriculture et le développement rural.

 

Le problème :

Depuis la Conférence de Stockholm de 1972, nous avons assisté à une multiplication des traités, accords et institutions, mais les ressources financières n’ont pas été à la hauteur des objectifs convenus lors des rencontres et les décisions prises lors de celles-ci n’ont pas favorisé la participation démocratique. Sur le plan de l’environnement, la réponse du système multilatéral a été grossièrement improvisée et répétée ad nauseam. Voici pour preuve certains indicateurs :

 

Déficit démocratique – Suite à la Conférence de Stockholm (1972), le PNUE mentionnequ’au moins 500 conventions internationales reliées à l’environnement ont été élaborées – 70 % de celles-ci étant de portée régionale. Quarante-cinq de ces ententes mondiales regroupent 72 pays qui y adhèrent ou plus. Durant les quinze années qui se sont écoulées entre le Sommet de la Terre et 2007, seulement 18 des 45 principaux accords environnementaux ont donné lieu à 540 rencontres et ont mené à 5 084 décisions. En extrapolant ces chiffres de manière approximative – et en présumant que les 27 autres accords ont engendré moins d’activité –, les gouvernements des pays du Sud n’ont pas bénéficié de ressources suffisantes pour participer à, probablement, un millier de conférences importantes au cours desquelles, peut-être, une dizaine de milliers de décisions comportant des répercussions importantes sur leur souveraineté nationale ont été prises.

 

Déficit financier – Le montant total du financement dédié à la gouvernance internationale en matière d’environnement demeure inconnu. Il y a cinq ans, le PNUE a fonctionné avec 136,5 millions de dollars et les Nations unies ont bénéficié de 301 millions de dollars supplémentaires pour gérer les accords environnementaux multilatéraux (AEM) dont elles ont la responsabilité – pour un montant total de 437,5 millions de dollars, ce qui représente approximativement 25 % du budget des Nations unies, qui était alors de 1,65 milliard de dollars. Selon l’OCDE, à peu près au même moment, moins de 2 % des dépenses – soit 1,85 milliard des 111,2 milliards de dollars accordés en aide publique au développement (APD) bilatérale – étaient reliées à des activités environnementales identifiables. Fait important, les accords administrés par les Nations unies sont moins coûteux que les accords de partenariat n’étant pas du ressort de cette organisation. Depuis le Sommet de la Terre de 1992, le coût des AEM des Nations unies a augmenté d’un facteur de 1,2, alors que celui des AEM n’étant pas du ressort de cette organisation a augmenté d’un facteur de 4,7. Les gouvernements doivent garder cet important fait à l’esprit au moment où ils discuteront de la possibilité de créer de nouvelles organisations-cadres ou institutions environnementales.

 

La solution :

Bien qu’il existe une multitude de modifications possibles, les différentes propositions visant la restructuration de la communauté environnementale multilatérale peuvent se résumer en trois points :

  • 1. Mise à niveau du PNUE : transformer le programme de Nairobi en une agence des Nations unies de laquelle les participants doivent être membres à part entière (à la manière du PNUD, par exemple), et doter celle-ci d’une autorité et de ressources accrues, ainsi que d’un mandat plus large;
  • 2. Empire environnemental : créer un nouveau super-organisme (possiblement à Paris ou Rio) n’étant pas sous l’égide des Nations unies et rassemblant les acteurs clés des Nations unies, des Institutions de Bretton Woods, de la grande entreprise ainsi que les grands philanthropes au sein d’un pacte ou d’un partenariat flexible qui marginaliserait la plupart des gouvernements, un grand nombre de traités et d’accords, ainsi que de grands pans de la société civile;
  • 3. Convergence planétaire par l’entremise d’Internet : ajouter quelques applications bon marché permettant de rédiger des microbillets (ou tweets) et de peaufiner les structures existantes afin de rendre leur configuration plus cohérente et collaborative dans le but souhaité d’obtenir certains gains en matière de gouvernance ainsi qu’au plan de l’efficacité et de l’efficience financière.

 

Il est logique de moderniser le PNUE et de lui accorder les ressources et le pouvoir nécessaires à l’harmonisation des efforts environnementaux de la communauté multilatérale. Tous les États membres des Nations unies possèderaient un pouvoir égal au sein de cette nouvelle version du PNUE; de plus, rien n’empêcherait cette dernière de procéder aux arrangements formels ou informels souhaités par les gouvernements afin que la voix d’acteurs qui ne sont pas rattachés aux Nations unies puisse se faire entendre (tel que ce fut le cas récemment avec le Conseil de la sécurité alimentaire mondiale des Nations unies; voir plus loin). En conséquence, la seule raison motivant la mise sur pied d’un nouvel Empire environnemental (également connu sous le nom de World Environment Organization) serait d’affaiblir l’influence des gouvernements en réorganisant le genre d’accord informel qui profite inévitablement aux riches et puissants de ce monde. Même dans ce contexte, il sera difficile (voire impossible) de voir émerger une entente quant à une modernisation du PNUE avant la tenue de Rio+20. Les microbillets et le travail de peaufinage issus de la convergence planétaire par l’entremise d’Internet sont éminemment plus faciles à réaliser… et peut-être également plus sûrs.

 

La réorganisation de l’infrastructure environnementale devrait :

  • 1. Assurer la participation universelle de tous les États membres des Nations unies sur la base du principe un pays – un vote;
  • 2. Renforcer la capacité des Nations unies à soutenir les actions régionales et nationales;
  • 3. Reconnaître l’expertise et le type particulier de relation que les mouvements sociaux – autochtones, agricoles et ceux issus des communautés locales, en particulier – et les autres organisations de la société civile entretiennent avec l’environnement par de nouveaux arrangements favorisant leur pleine participation;
  • 4. Faciliter la participation efficace en synchronisant et rationalisant le nombre de rencontres intergouvernementales nécessaires au suivi de l’évolution des traités et des ententes;
  • 5. Imposer et favoriser la rationalisation des secrétariats associés aux traités – incluant les bureaux et les opérations internationales et régionales – afin d’améliorer la cohérence et d’optimiser la gestion financière.

 

Les gouvernements et les organisations de la société civile pourraient s’unir pour proposer une structure de convergence planétaire par l’entremise d’Internet qui réponde à ces critères – un réseau multi-institutionnel combinant les pratiques d’excellence établies au cours des trois conventions des Nations unies portant sur le contrôle des produits chimiques et les déchets dangereux (Bâle, Rotterdam et Stockholm) –, un modèle pour les quatre agences agricoles faisant partie de la version réformée du Conseil de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), et émettre des propositions quant à la participation de la société civile (acceptées en 2004 par le secrétaire général, Kofi Annan). Ensemble, ces trois initiatives permettraient au réseau environnemental d’être très créatif, mieux coordonné – mais néanmoins flexible et prompt dans sa capacité à intervenir.

 

Attraction chimique. Récemment, la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination (1989), la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet du commerce international (1998) et la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP; 2001) ont commencé à fusionner leurs secrétariats et à cordonner les rencontres de leurs organes délibérants afin de maximiser leur efficacité à surveiller les déchets dangereux et les produits chimiques sur l’ensemble de leur cycle de vie. Le PNUE fournit le secrétariat pour la Conventions de Bâle et celle de Rotterdam, et le PNUE et la FAO fournissent conjointement le personnel de la Convention de Stockholm. Les trois conventions étudient également la possibilité d’établir des mécanismes conjoints pour renforcer leurs capacités et se financer.

 

Bien que chaque convention possède ses particularités en ce qui a trait aux obligations des membres et aux obligations conventionnelles, ce type de collaboration a, jusqu’à présent, porté ses fruits.

 

Ferme familiale. Voici une seconde proposition d’initiative. À la suite d’une série d’évaluations externes plutôt sévères initiée en 2009, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont commencé à coordonner leurs programmes et leurs efforts de planification au cours de la rencontre annuelle du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA, 1974), dont la durée est d’une semaine. Fait intéressant, ces organisations ont été rejointes par une quatrième institution multilatérale n’étant pas rattachée aux Nations unies, soit le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR). Le CSA possède également un jeune groupe d’experts de haut niveau, qui est chargé de faire rapport sur diverses questions critiques. Bien que ce dernier groupe d’experts ait un certain potentiel, il a jusqu’à présent mis de côté l’important travail de l’Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD). Il n’a de plus pas réussi à impliquer de manière adéquate les petits producteurs agricoles, les pêcheurs et les pasteurs. Cela reste surprenant car, et il s’agit là d’une particularité, les organisations de la société civile et les mouvements sociaux – notamment les organisations de petits producteurs agricoles – ont le droit de s’auto-organiser et de participer pleinement à l’ensemble des activités du CSA. La seule différence évidente entre les modalités de participation de ces derniers et les États réside dans le fait que les gouvernements conservent le privilège de pouvoir voter.

 

Organisations de la société civile et droit d’accès à l’information. Une troisième initiative digne d’intérêt est la Convention d’Aarhus de la Commission économique pour l’Europe (Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement; 1998), qui constitue le pendant intergouvernemental des requêtes nationales d’accès à l’information. Jusqu’à présent, cette initiative ne s’applique qu’à l’Europe. Si les gouvernements gardent à l’esprit les recommandations de la Convention d’Aarhus, qu’ils envisagent la participation des organisations de la société civile au sein du CSA et qu’ils tiennent également compte des recommandations du Groupe de Cardoso quant à la participation de ces dernières (2004), ces trois initiatives constituent de solides arguments en faveur d’une participation accrue des organisations de la société civile et des mouvements sociaux au sein d’un nouveau réseau environnemental.

 

Le nouveau réseau environnemental des Nations unies pourrait inclure les traités les plus pertinents qui ont été adoptés depuis 1972, dont la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD).

 

Étant donné l’importance de l’agriculture (incluant la foresterie et les pêcheries) pour l’environnement, le CSA réformé devrait, s’il y a lieu, participer au nouveau réseau, tout en conservant son indépendance. Au cours des préparatifs entourant la rencontre de Rio, les gouvernements pourraient mettre sur pied un groupe de travail au sein du cadre institutionnel de développement durable afin de développer le nouveau réseau en se basant sur les initiatives présentées ci-dessus.

 

L’importance de la gouvernance en matière d’agriculture à Rio+20

 

Une tendance inquiétante subsiste dans les négociations concernant l’échange des droits d’émission de carbone au sein des discussions de la CCNUCC et de Rio+20 portant sur l’Économie verte. Cette tendance consiste à vouloir regrouper l’alimentation et l’agriculture au sein d’un vaste programme environnemental qui sert les intérêts de l’entreprise et qui tend à ignorer le phénomène récurrent des crises alimentaires de même que les liens entre l’agriculture industrielle et la crise climatique. Il subsiste également une tendance à négliger l’importance du rôle que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale restructuré pourrait jouer à titre de partenaire clé dans l’atteinte d’un développement qui soit durable sur le plan écologique et social et qui s’inscrive dans une perspective de souveraineté alimentaire.

 

La crise alimentaire qui a livré plus d’un milliard de personnes aux affres de la faim en 2008 est de retour, le prix des produits de base atteignant cette fois des sommets historiques. Tous les projets se rapportant à de nouveaux usages des terres ou à la biomasse doivent être évaluées à l’aune de l’expérience concrète acquise sur le terrain par les petits producteurs agricoles et ceux qui souffrent de la faim. Une évaluation effectuée exclusivement en regard des aspects environnementaux ou des changements climatiques ne suffit pas.

 

L’importance de l’agriculture et, au sein de celle-ci, l’importance des petits producteurs agricoles, doit rester au cœur de toute discussion sur une nouvelle économie verte. Selon le récent rapport du PNUE (Towards a Green Economy: Pathways to Sustainable Development and Poverty Eradication), 404 millions des 525 millions de petites exploitations agricoles ont une superficie de moins de deux hectares. Les petits agriculteurs assurent 70 % (et ce chiffre augmente) de la production alimentaire mondiale. Le rapport du PNUE indique qu’il existe des preuves substantielles démontrant que le rendement des petits agriculteurs est plus élevé. En Afrique, 90 % de la production agricole – et 40 % de la production céréalière en Inde – est attribuable aux petites exploitations agricoles. Il est toutefois dommage de constater que la majeure partie des données utilisées par le PNUE et les autres organisations sont désuètes; elles datent d’au moins six à vingt ans. Considérant la récurrence des crises alimentaires, il devient nécessaire d’obtenir des informations mises à jour en ce qui a trait au rôle des petits producteurs agricoles, ainsi qu’à la taille et à la productivité des exploitations agricoles. En tentant d’estimer la production alimentaire mondiale, il importe également de tenir compte de la contribution des pêcheurs artisanaux, des chasseurs et des cueilleurs – soit ceux qui participent à la récolte cachée, celle-ci représentant le tiers ou plus de l’apport calorique en milieu rural durant certaines saisons. De plus, les décideurs politiques doivent tenir compte de l’importance de la production alimentaire urbaine et périurbaine qui, estime-t-on parfois, peut représenter 25 % de la consommation en milieu urbain. Lorsque rassemblée en un tout, la production paysanne (non industrielle) peut répondre à une portion aussi élevée que 80 ou 85 % de la consommation alimentaire mondiale. Qui plus est, cette production représente, et de loin, la plus importante source d’aliments pour le milliard de personnes affamées qui ne peuvent se permettre de faire leurs achats chez Carrefour ou Wal-Mart.

 

Lors de la tenue de Rio+20, il est essentiel que les gouvernements reconnaissent le CSA comme étant son interlocuteur principal en ce qui concerne les questions alimentaires et agricoles. Ils doivent également reconnaître l’importance vitale des petits producteurs agricoles, qui sont à la source de la majeure partie de l’approvisionnement alimentaire mondial. De plus, les gouvernements devraient reconnaître que le développement de stratégies agricoles doit se servir du rapport de l’IAASTD comme point de départ et, en particulier, l’accent qu’il met sur le rôle des petits producteurs agricoles dans l’atteinte d’une souveraineté alimentaire durable.

 

1. Économie verte? – Évaluer la technologie d’abord

 

À titre d’élément central du développement de sociétés durables et d’économies vertes socialement, économiquement et culturellement acceptables et diversifiées, engager, en 2012, les Nations unies dans un processus de négociations menant à la mise sur pied d’un mécanisme international d’évaluation et d’information en matière de technologie, lequel renforcerait la souveraineté des pays et leurs choix politiques en matière de technologie.

 

Le problème :

 

Transfert… ou dumping? Les aspects entourant le transfert de technologie prendront une importance particulière lors de la 17ème Conférence des Parties de la CCNUCC qui aura lieu à Durban à la fin de 2011. Plusieurs gouvernements entrevoient l’accès aux nouvelles technologies comme étant essentielle à leur capacité à répondre aux changements climatiques. Ils sont par conséquent soucieux de s’assurer que les régimes de propriété intellectuelle et les concessions de licence ne rendent pas ces technologies inaccessibles à leur portefeuille. D’un autre côté, l’industrie et certains pays membres de l’OCDE sont désireux de protéger leurs droits de propriété intellectuelle. Les pays industrialisés feront inévitablement valoir que toute concession faite en matière de propriété intellectuelle (réduction des redevances, etc.) devrait être considérée comme faisant partie de leur contribution financière. Comme ce fut le cas lors du Sommet de la Terre tenu à Rio en 1992, la technologie occupera également une place importante à Rio+20. Dans la bousculade pour accéder à ces technologies, plusieurs gouvernements ne demandent pas si les technologies qu’ils désirent sont sûres, véritablement utiles, ou si certaines conditions s’y rattachent. Depuis le Sommet de Copenhague, les États-Unis se sont opposés à toute discussion portant sur la propriété intellectuelle, signifiant que le monopole habituel règnera sur l’après Rio.

 

La nanotechnologie, la biologie synthétique, la métagénomique et la géo-ingénierie ne constituent pas des inventions en elles-mêmes, mais plutôt des plateformes technologiques requérant des systèmes de production ou de transformation complets. Elles demeurent non testées et leur capacité à répondre à des besoins nationaux donnés reste à démontrer. Les pays du Sud, qui sont les plus touchés par la détérioration de l’environnement et les changements climatiques, serviront de cobayes pour tester ces puissantes technologies. Le préalable logique au transfert de technologie est la création, par les Nations unies, d’un mécanisme d’évaluation et d’information sur les technologies qui se fonde sur le principe de précaution.

 

Les technologies :

 

Le fait le plus troublant énoncé par les investisseurs en capital de risque lorsqu’ils discutent de l’Économie verte est que le marché commercial n’accapare que 23,8% de la biomasse terrestre produite annuellement – ce qui signifie que 76,2% de celle-ci reste encore à transformer en marchandises et à monopoliser. Certains gouvernements et agences des Nations unies ont déjà exprimé leur inquiétude devant la mainmise sur les terres qui menace la souveraineté nationale et alimentaire de plusieurs pays. Cependant, on accorde peu d’attention aux technologies propres qui peuvent déterminer quelles terres seront exploitées et à quelles fins elles le seront. La couverture d’un récent numéro du magazine The Economist (12-18 février 2011) décrit bien le rythme (en sous-estimant toutefois la portée) du changement technologique avec son titre portant à la réflexion : Print me a Stradivarius (NDT : Imprimez-moi un Stradivarius). En se préparant pour Rio+20, les gouvernements ont lourdement sous-estimé la rapidité à laquelle évolue la technologie ou l’impact que certaines technologies clés peuvent avoir sur l’environnement à l’échelle mondiale, les changements climatiques et les économies des pays du Sud. Quatre développements cruciaux sont résumés ci-dessous.

 

Nanotechnologie – Imprimez-moi un Stradivarius!

 

L’article-couverture du magazine The Economist mentionné ci-dessus décrit une révolution en matière de procédé de fabrication qui permettrait de réduire drastiquement les coûts énergétiques et la demande en matériaux bruts par l’entremise d’un mode de production miniaturisé de produits finis et de composantes, à l’échelle nanométrique ou micrométrique, procédant du bas vers le haut. Depuis 2000, les investissements publics mondiaux en recherche dans le domaine de la nanotechnologie ont dépassé les 50 milliards de dollars. Et le rythme s’accélère : il était prévu qu’ensemble, les investissements publics et privés dans le domaine de la nanotechnologie atteindraient un sommet de 20 milliards de dollars l’an dernier. Plus d’une soixantaine de pays possèdent actuellement des projets en nanotechnologie. Ces nouvelles méthodes de fabrication auront des impacts sur l’embauche et la localisation des infrastructures de production, en plus d’affecter le marché mondial des ressources naturelles, qu’il s’agisse du cuivre, du coton, des fibres naturelles ou des huiles végétales. Bien que qualifiée de propre et verte, cette révolution industrielle suit son cours en l’absence quasi-totale de surveillance et de réglementation. Elle risque par ailleurs d’avoir un impact important sur les pays exportateurs et ses importations (notamment en ce qui concerne les aliments et les produits de consommation) pourraient engendrer certains risques. La nanotechnologie ne devrait pas être considérée prématurément comme étant propre, particulièrement devant le fait que des dizaines d’études scientifiques viennent démontrer les effets toxiques de certains nanomatériaux. L’Organisation internationale du travail (OIT) et la Conférence internationale sur la gestion des produits chimiques (CIGPC) ont entamé l’examen des conséquences de la nanotechnologie, mais il reste encore beaucoup à faire. Pendant ce temps, plusieurs organisations de la société civile ont demandé l’imposition d’un moratoire sur la nanotechnologie jusqu’à ce que les conséquences socioéconomiques, sanitaires et environnementales de celle-ci soient mieux connues. Lors de Rio+20, les gouvernements pourraient mener des recherches se rapportant à la nanotechnologie en collaboration avec les différentes agences et les divers accords concernés.

 

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